Magnifique élan de solidarité pour les migrants !

Vendredi 4 septembre 2015

La campagne de crowdfunding pour permettre à Abdul, l’homme aux stylos bille, et sa fille Reem de démarrer une nouvelle vie a dépassé toutes les attentes : 182 483 dollars en 8 jours au lieu des 5000 dollars souhaités. 6933 personnes ont donné, soient des dons de 26 dollars en moyenne par personne.

Photo de la campagne pour Abdul et Reem. Source : Indiegogo.

Photo de la campagne pour Abdul et Reem. Source : Indiegogo.

Débordée également, la wishlist lancée sur Amazone pour les migrants de Grèce et de Calais a dû suspendre les dons momentanément, incapable de faire face à l’afflux des commandes :

« NO MORE DONATIONS FOR THE TIME BEING PLEASE We are so grateful for the incredible number of donations we’ve received so far. It really shows how big a difference we can make together. We are freezing our wishlist until we are able to cope with the quantity of donations. In the meantime much more is needed so please keep giving here http://bit.ly/​1Ezl3AT to raise funds for logistics, building and medicine supplies. Thanks! And we will we back soon with more goods for the wish list. From the #HelpCalais Team »

Les initiatives et pétitions appelant les familles à accueillir une famille de réfugiés se mutliplient un peu partout également :

https://www.change.org/p/maires-de-france-accueillez-une-famille-de-r%C3%A9fugi%C3%A9s

http://www.jrsfrance.org/jrs-france/welcome-en-france/

https://www.facebook.com/events/1481734488816658/

http://singa.fr/qui-sommes-nous/qui-sommes-nous/

http://www.refugees-welcome.net/

etc.

Un peu partout, les initiatives privées de solidarité aux migrants se multiplient.

En Turquie également, l’élan de solidarité commence, pour les « migrants en partance » ou bloqués. Et c’est tant mieux car c’est certainement la meilleure façon, et la plus simple, de faire face à la crise des migrants plutôt que d’attendre les solutions lourdes, coûteuses et dépourvues d’humanité que sont en train de concocter les gouvernements…

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

#Migrants. Admirable solidarité du peuple grec

Vendredi 4 septembre 2015

Depuis dix ans, les Grecs font face admirablement aux migrants. J’ai été témoin de leur dévouement sans bornes, que ce soit à Chios, Lesbos ou Athènes. Ils n’ont jamais failli, sans aides de l’Europe, juste avec des initiatives individuelles.

Athènes, 2006. Maison d'accueil pour les jeunes migrants financée par une association de quartier. Copyright Sylvie Lasserre

Athènes, 2006. Maison d’accueil pour les jeunes migrants financée par une association de quartier. Copyright Sylvie Lasserre

J’ai même vu un jeune Irakien de seize ans ayant fui Halabja, les gazages de Sadam Hussein de 1988 ayant tué toute sa famille, être adopté par une famille de l’île de Chios sur laquelle il avait échoué par hasard. J’ai aussi rencontré un jeune Ethiopien gravement blessé à la jambe par l’hélice d’un navire des garde-côtes entièrement pris en charge par un jeune professeur d’Athènes (http://sylvielasserre.blog.lemonde.fr/…/2006_06_walid_et_l…/), etc. etc. J’ai passé une soirée mémorable à Athènes, dans le parc d’une sorte d’hôtel particulier, organisée pour les migrants, afin de rendre la vie agréable à ces vies au parcours brisé. Je me rappelle ce jeune Syrien, à la face vaguement déformée (par les tortures), qui évoquait pudiquement la longue année de tortures subies dans les geôles de Bashar al-Assad. Oui, en Grèce la solidarité envers les réfugiés ne se limite pas à faire un don à une ONG – dont seule une petite partie parviendra réellement aux bénéficiaires – et à parquer les migrants dans des camps, avec un numéro. La solidarité en Grèce, elle est avant tout humaine. Et l’humanité, la fraternité, c’est ce dont ils ont le plus besoin.

Athènes, 2006. Maison d'accueil pour les jeunes migrants financée par une association de quartier. Copyright Sylvie Lasserre

Athènes, 2006. Walid dans sa chambre, maison d’accueil pour les jeunes migrants financée par une association de quartier. Copyright Sylvie Lasserre

On le voit, le problème ne date pas d’hier… Mais en effet, aujourd’hui l’afflux des migrants est beaucoup trop important pour ces îles qui ne parviennent plus à faire face. Depuis dix ans les Grecs réclament en vain le soutien de l’UE…

Alors arrêtons de parler, prenons exemple sur les Grecs et AGISSONS individuellement puisque les gouvernements européens ne le font pas. Accueillons des familles et faisons pression sur nos gouvernements pour qu’ils fassent en sorte que les réfugiés ne meurent plus noyés ou étouffés dans des camions – car autant que je sache, aucune décision n’a été prise en ce sens, malgré les réactions « émues » consécutives à la photo du jeune Aylan, mort .

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Ca suffit ! Nos présidents coupables de non assistance à personnes en danger !

Samedi 29 août 2015

71 Syriens, dont des femmes et des enfants morts asphyxiés, enfermés dans un camion frigorifique dont ils n’ont pu s’échapper. Hier, plus de 200 migrants noyés. Chaque jour, des désespérés qui fuient la guerre meurent par dizaines, voire centaines parce qu’ils sont livrés aux passeurs.

71 persons found dead in atruck in Austria. Among them, 8 women and 4 children. Syrians.

71 persons found dead in atruck in Austria. Among them, 8 women and 4 children. Syrians.

Donnons-leur des visas afin qu’ils puissent prendre un vol régulier ! Sinon nous serons coupables de non assistance à personnes en danger et complices de leurs souffrances ! De plus, en leur donnant des visas, nous couperons l’herbe sous les pieds des passeurs.

Ces hommes, ces femmes et ces enfants subissent les pires atrocités et endurent les pire souffrances : noyade, suffocation, soif, épuisement, barbelés, gaz lacrymogènes…

Pardon de partager ces photos mais il le faut :

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

 

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

 

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

 

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

 

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

 

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Enfants réfugiés morts en Méditerranée hier

Les chefs des gouvernements européens ont une lourde responsabilité dans ce qui est en train de se passer : qu’ils écourtent leurs vacances et agissent ! Et s’ils n’agissent pas, Français, si prompts à vous mobiliser en temps normal, mobilisons-nous !

Et accueillons-les comme nous aimerions nous aussi être accueillis si nous étions à leur place : Welcome en France

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Afflux sans précédant de réfugiés vers Lesbos. Que fait l’UNHCR ?

Dimanche 9 août 2015

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Eric Kempson est un homme très très très en colère. Contre l’UNHCR. Lui et sa femme Philippa vivent au nord de Lesbos, une île grecque, avec vue sur la mer et les côtes turques qui se trouvent à quelques miles. Hier encore, il « recevait » 17 bateaux surchargés de migrants et réfugiés. Il y a quelques mois, lorsque l’hémorragie a commencé, le peintre anglais a décidé qu’il ne pouvait plus rester les bras ballants devant ces arrivages quotidiens de familles fuyant désespérément la guerre. Ils se sont organisés, sans moyens, réussissant à mobiliser des volontaires pour les assister. Aujourd’hui ils reçoivent de nombreux colis – beaucoup de vêtements d’enfants – du monde entier et accueillent des bénévoles. Peu à peu leur action se fait connaître, via les réseaux sociaux.

Chaque jour, lui et sa femme scrutent la mer, comptent les bateaux, vont à la rencontre des arrivants – ceux qui ont la chance d’arriver -, organisent l’accueil, fournissent les boissons et de quoi se sustenter. Des serviettes pour se sécher également car souvent les fuyards arrivent trempés. Des couches pour les bébés, des jouets pour les enfants, aussi… Sans oublier les conseils et les paroles de réconfort. Bref, ils font leur maximum pour rendre plus doux le terrible exode de ceux qui laissent tout derrière eux.

Puis ils organisent le transfert en voiture jusqu’aux camps, aux abord de Mytilène. Jusqu’à très récemment, ceux qui transportaient les migrants en voiture risquaient plusieurs années de prison pour trafic d’êtres humains. L’on pouvait voir des cohortes de marcheurs sur la route qui mène au nord de l’île. Trois jours de marche !!! Pas le droit de prendre le bus, pas le droit de prendre un taxi. Brûlés par le soleil, assoiffés, épuisés. Les pères portant les enfants sur les épaules. Même régime pour les femmes âgées. Cinquante kilomètres par 36 degrés à l’ombre !  Depuis peu les autorités grecques ont enfin levé l’interdiction faite aux îliens de les transporter.

Voir la vidéo d’Eric Kempson : « La marche de la mort ». Il est hors de lui : « J’en appelle au premier Ministre de Grèce ! Cette marche, c’est condamner à mort les bébés ! Vous envoyez ces gens à la mort ! Il y a trois femmes enceintes et un vieil homme malade !  » Quand cette vidéo a été tournée, il était encore interdit de transporter les réfugiés par voiture ou bus (une heure de voiture contre trois jours de marche sans eau ).

Il faut aussi louer le peuple grec pour sa solidarité (voir post : Les femmes et les enfants d’abord !) : chaque jour, sans faire de vidéos, ils prennent aussi les réfugiés dans leurs voitures pour les transporter à Mytilène. Eric Kempson salue leur courage et dit : « Cela me fait pleurer », très bouleversé par ce à quoi il assiste. Sur une vidéo, il montre les îliens attendant les réfugiés avec leurs voitures pour les transporter :

Ensuite direction les camps de Moria ou de Kara Tepe (colline noire en turc) où les migrants doivent se livrer à la police pour être enregistrés. Mais l’état des camps est… indescriptible et je vous laisse juge et témoin de la colère d’Eric Kempson :

Et la sa colère envers l’UNHCR :

Il en est venu à gérer la propreté du camp de Kara Tepe, aidé de quelques bénévoles ! Cela passe également par le nettoyage des toilettes. Et là c’est une énorme colère dont il fait part sur Youtube. Les toilettes sont dans un état indescriptible : « Que fait l’UNHCR ? » s’emporte-t-il sur la vidéo où il montre très peu les refugiés, par égard pour eux.

Copyright Philippa Kempson

Copyright Philippa Kempson

Copyright Philippa Kempson

Copyright Philippa Kempson

Chaque jour le nombre de migrants et réfugiés entre la Turquie et l’île de Lesbos ne cesse d’augmenter. Des milliers de migrants et réfugiés se ruent chaque jour vers la grande île grecque, via Assos et Ayvalik en Turquie, les deux points les plus proches des côtes de l’île.

Acheminés d’abord par la route depuis Izmir ou Istanbul par des gangs de passeurs – la « route » semble maintenant parfaitement rôdée -, les familles désespérées sont livrées de nuit à la mer, sur des canots pneumatiques, avec pour seule consignes d’aller tout droit.

A Lesbos, elles débarquent généralement sur les côtes nord de l’île, à une cinquantaine de kilomètres du port de l’île, Mytilène, qu’elles doivent rejoindre à pieds. Un passage de quelques jours, par un camp putride leur est nécessaire, le temps d’obtenir les papiers leur donnant le droit de circuler librement en Grèce durant un an, puis elles embarquent pour Athènes, où commence une nouvelle Odyssée jusqu’au nord de l’Europe qu’elles espèrent toutes atteindre un jour.

L’île de Lesbos en Grèce est devenue aujourd’hui le premier point d’entrée dans l’espace Schengen, dépassant Lampedusa. Submergée, livrée à elle-même, la population locale se débrouille avec les moyens du bord pour aider ces cohortes de familles en train de fuir les horreurs de la guerre. A présent, de plus en plus volontaires viennent du monde entier pour donner un coup de mains.

En Turquie, des centaines de candidats à l’Europe sont arrêtés chaque nuit. Mercredi, 57 afghans étaient arrêtés à Ayvalik, dont femmes et enfants. Jeudi c’étaient 128 réfugiés partis d’Assos qui étaient refoulés par les gardes-côtes turcs. Le 1er août la police turque arrêtait 349 réfugiés sur deux îles en face d’Ayvalik (des passeurs locaux se chargent de les mener sur ces îles, certains ont été arrêtés puis relâchés après quelques mois de prison). Le 25 juillet, 250 migrants étaient secourus par les garde-côtes turcs en 6 endroits différents. Et ainsi de suite. Quant à Eric Kempson, de l’autre côté de la mer, chaque jour il voit arriver entre dix et vingt canots surchargés.

Chaque jour hommes, femmes, enfants traversent la mer Egée sur des embarcations surchargées au péril de leur vie.

Ce matin encore, à Ayvalik où je me trouve, j’apprends qu’hier un minibus surchargé de familles afghanes principalement s’est renversé – on imagine ce que cela peut vouloir dire quand il s’agit de migrants, de réfugiés et de monnaie sonnante et trébuchante. Soixante personnes en route pour Assos, avant le périlleux voyage vers la Grèce à soixante sur un canot pneumatique. Neuf morts. Les blessés ont été transportés à l’hôpital d’Edremit.

Après avoir rejoint Athènes, un périlleux périples attend ces familles en route pour le nord de l’Europe, où les attendent toutes sortes de mafias, notamment en Macédoine, pour leur extirper un peu plus d’argent. Ils devront faire une partie du chemin à pieds et à vélo.

La Hongrie est en train de construire une barrière de 4 mètres de haut à sa frontière avec la Serbie et la Bulgarie a édifié une clôture de barbelés le long de sa frontière avec la Turquie pour juguler le flux des désespérés mais ceux-ci trouveront toujours le moyen de passer, ce sera plus difficile et dangereux, voilà tout.

Alors oui, que fait l’UNHCR ? Le phénomène est connu, le nombres de réfugiés l’est aussi, les causes le sont également. On sait aussi que rien ne les arrêtera. Pourquoi cet organisme, dont le rôle est de gérer et protéger les réfugiés, a-t-il choisi de laisser ces milliers d’hommes, de femmes et d’enfants affronter tous les dangers, livrés à eux-mêmes ainsi qu’aux mains des passeurs, et payer plus de dix fois le prix d’un billet d’avion ?

Ah ! Information de dernière minute. On me dit que finalement l’UNHCR et Médecins sans frontière payent quelques bus depuis la semaine dernière…

Lire aussi mon post sur ce sujet : Exode ininterrompu sur les routes de Lesbos

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Les femmes et les enfants d’abord ! Un grand bravo au peuple grec !

Dimanche 9 août 2015

Juste un aperçu du bel esprit de solidarité des Grecs, étouffés par la crise, mais pour qui rien ne compte lorsqu’il s’agit de porter assistance à des réfugiés. Il y a neuf ans déjà, alors que je faisais un reportage entre Chios, Lesbos et Athènes sur le même sujet, leur bel esprit m’avait laissée admirative et chargée de souvenirs de si belles rencontres. Quand cette route s’ouvrait, j’ai vu les habitants de Chios, Mytilène et Athènes se dépenser sans compter. Certains ont même « adopté » des migrants. Depuis je dois dire que j’admire les Grecs pour leurs esprit de solidarité.

Encore aujourd’hui, vous pouvez constater qu’ils sont admirables. Pris en plein marasme économique, ils continuent de porter assistance aux réfugiés de Syrie (j’aurais tant d’histoires à partager à leur sujet ! Chapeau bas au peuple grec !). Jugez-en par vous-même, alors qu’ils prêtent leurs véhicules aux migrants pour parcourir cinquante kilomètres, sans même en parler :

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Exode ininterrompu sur les routes de Lesbos en Grèce

Lundi 6 juillet 2015

Les migrants doivent marcher 50 km pour rejoindre le port de Mytilène. © Sylvie Lasserre

Les migrants doivent marcher 50 km pour rejoindre le port de Mytilène. Interdiction aux îliens de les prendre en stop ; les contrevenants risquent dix ans de prison; © Sylvie Lasserre

Bientôt dix ans que je n’étais retournée sur les traces des migrants clandestins à Lesbos ! (Je vous renvoie à mes posts d’alors, que vous trouverez dans la catégorie « migrants ») A l’époque, cette « route » migratoire commençait à s’ouvrir, l’on n’en parlait pas, au point qu’après trois semaines de reportages en Grèce, à Athènes, Chios et Lesbos, et en Turquie, j’avais vendu… trois feuillets à Libé. Pourtant, déjà, la Grèce réclamait à corps et à cris l’aide de l’Europe pour faire face au problème qu’elle pressentait grandissant, mais…

Aujourd’hui, ce sont 400 à 1000 migrants qui transitent chaque jour par la grande île, si proche des côtes turques. Sur la route qui conduit de la capitale, Mitilène, au nord de l’île où débarquent les clandestins de leurs canots en caoutchouc, c’est un flot continu de groupes marchant sous le soleil. Ils vont par groupes de cinq, dix, vingt. Tous les cinq cents mètres, un groupe. Exode impressionnant. On retrouve toujours les Hazaras, peuple opprimé, s’il en est, en Iran et en Afghanistan, des Pakistanais – beaucoup plus rares -, des Afghans d’ethnie tadjike en famille – ça c’est très nouveau – ! Grande nouveauté par rapport à 2006 : des femmes et des enfants. Et des Syriens… des Syriens… par familles entières.

Femme syrienne en transit à Lesbos. L'épuisement se lit sur tous les visages. © Sylvie Lasserre

Femme syrienne en transit à Lesbos. L’épuisement se lit sur tous les visages. © Sylvie Lasserre

On a peine à imaginer la situation sur place pour qu’une famille décide de quitter à jamais sa ville, son village, sa maison, les mains vides, et fasse prendre tant de risques à ses femmes et ses enfants : s’échapper de Syrie, traverser la Turquie, puis la mer Egée sur un canot pneumatique surchargé, seuls, sans passeurs – ceux-là les abandonnent sur les rives turques avec juste quelques consignes – puis à Mytilène, marcher cinquante kilomètres sous un soleil brûlant avant de rejoindre un camp où ils passeront deux semaines avant d’obtenir un permis temporaire de circuler. Bateau pour Athènes, train pour Thessalonique, puis rejoindre la Macédoine à vélo pour ensuite traverser tous les pays qui les conduiront, qui en Allemagne, qui en Belgique, qui en Norvège… Pour un destin non moins certain.

Zahia, son frère et ses enfants, épuisés, ayant fui Latakié en Syrie, en transit à Lesbos. © Sylvie Lasserre

Zahia, son frère et ses enfants, épuisés, ayant fui Latakié en Syrie, en transit à Lesbos. © Sylvie Lasserre

Zahia a près de vingt ans. Elle a quitté Latakia en compagnie de ses deux jeunes enfants et son frère. Son fils, environ 5 ans, a un oeil au beur noir. C’est le soleil ! me dit la mère. Tous ont la peau très blanche, elle soulève le tee-shirt de sa fille et me montre les jeunes épaules brûlés par les rayons implacables. Cela fait un mois qu’ils sont partis. Il leur reste encore tant de chemin jusqu’à l’Allemagne où ils se rendent. Ils viennent de passer deux semaines, pas au camp, mais là, sur le port, sur le terrain de la police. Depuis un mois que nous sommes partis, nous dormons par terre. Elle est épuisée. Les enfants aussi semblent très éprouvés. Vous aviez des douches sur le port ? Non ! s’exclame-t-elle. Pas même de toilettes. Cela fait quatre jours que nous ne nous sommes pas lavés. Elle me montre l’état du bas de son pantalon, qui fut noir, mais est aujourd’hui blanc de poussière.

Trois générations : Elles ont quitté l'enfer de Deir Ez Zur en Syrie. © Sylvie Lasserre

Trois générations : Elles ont quitté l’enfer de Deir Ez Zur en Syrie. © Sylvie Lasserre

Plus loin, sous le porche de l’entrée de l’embarcadère, des tentes, des hommes, des femmes, des enfants assis ou couchés à même le sol. Je m’approche d’un groupe de femmes assises sur un tapis, dont l’une d’elle tient un nourrisson dans les bras. La grand-mère, la mère et la petite-fille. Elles ont fui leur terre natale de Deir ez Zor, ravagée par la guerre et se jettent, assoiffées sur la bouteille d’eau que je leur donne. Le bébé a quatre mois. Le plus jeune migrant que j’aie vu…

A l'embarcadère de Lesbos. Les migrants attendent le bateau pour Athènes. © Sylvie Lasserre

A l’embarcadère de Lesbos. Les migrants attendent le bateau pour Athènes. © Sylvie Lasserre

Un jeune homme s’approche, me dit qu’il parle anglais et arabe. « Je suis Palestinien, de Syrie. Ma famille était en Syrie depuis soixante ans. Nous sommes d’Alep. » Il me présente sa famille, dont sa mère et poursuit : « Je suis pharmacien. Ma mère est dentiste. » Sa mère, veuve, porte un voile noir. Tandis qu’elle prend les savons que je lui donne, elle me demande si je n’ai pas de la crème pour le visage ; je regarde son visage: il est brûlé par les longues marches sous le soleil. Omer, le jeune pharmacien me montre une photo de son chien : un jeune berger allemand, grand, vif. Les soldats l’ont tué ! Et mon chat aussi. Mais pourquoi ? « Comme ça ! Ils tirent sur tout ! Même sur les arbres ! »

Le pharmacien, son frère jumeau et leur mère, dentiste. © Sylvie Lasserre

Le pharmacien, son frère jumeau et leur mère, dentiste. © Sylvie Lasserre

Chacun fait sa toilette comme il peut, quand il peut. Du linge sèche sur les plots du parking face à l’embarcadère.

Puis tandis que nous discutons, une policière attachée aux douanes leur demande de dégager les lieux et aller sous le porche, derrière le mur. Loin des regards. « Regarde comment ils nous traitent : Ils ne nous traitent pas comme des êtres humains ! »

Jeune fille syrienne, sur les routes de l'exode, en famille. © Sylvie Lasserre

Jeune fille syrienne, sur les routes de l’exode, en famille. © Sylvie Lasserre

Et comment oublier, cette jeune fille, aux allures de touriste, dont je n’ai pas réussi à retenir le prénom alors qu’elle me l’a répété trois fois ! Partie en famille, père, mère, frère. Contrairement aux autres, ils portent de relativement de gros bagages. Comment ont-ils marché les 50 kilomètres ainsi chargés, je me le demande. En regardant à nouveau les photos, je constate que le père porte une mallette en plastique. Les documents de leur vie sans doute, les papiers importants. Peut-être des photos de famille aussi. Ils sont en route pour l’Allemagne.

La route qui les attend est encore longue et semée d’embûches. Elle est toute tracée par les réseaux de passeurs et comprend donc, entre autres la traversée de la Macédoine à vélo. Je repense à Arif, le jeune Hazara d’Iran que j’avais suivi depuis sa sortie du camp de Lesbos en 2006, jusqu’à Paris. Sa route alors passait par Patras puis Calais. Après deux ans passés en Angleterre, il avait abandonné l’idée d’obtenir des papiers et repartait tenter sa chance en Norvège. Oui, la route de la migration est longue et difficile, semée d’embûches et de dangers. Par un accident de téléphone portable, j’ai perdu son contact. Sur les routes de Lesbos, ce sont des centaines, des milliers d’Arif qui passent chaque jour.

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Manus island, l’île du désespoir : tentatives de pendaisons

Source: The Independent

Source: The Independent

Jeudi 22 janvier 2014

Depuis le post précédent (L’enfer sous les cocotiers : Manus Island, l’ile du désespoir), la situation empire. Les migrants sont à présent 700 en grève de la faim, depuis neuf jours.

Deux internés auraient tenté de se pendre. Ils ne veulent plus de cet enfer disent-ils. Et refusent d’être installés en Papouasie Nouvelle Guinée, solution adoptée par le gouvernement australien.

Les gardes sont toujours à l’extérieur, ne peuvent pénétrer à l’intérieur du camp où les demandeurs d’asile s’affaiblissent de jour en jour.

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

 

L’enfer sous les cocotiers : Manus island, l’île du désespoir

Le camp sur l'île de Manus

Le camp sur l’île de Manus

Dimanche 18 janvier 2014

L’un a avalé des lames de rasoir, quatre autres de la lessive en poudre, quarante autres se sont cousu les lèvres.

Ils voulaient échapper à l’enfer, à l’âpreté de leurs vies, aux guerres ou aux dictatures. Ils sont soudanais, pakistanais, iraniens, égyptiens,  irakiens, afghans, bengladeshi, rohingyas, sri-lankais, etc. et s’étaient embarqués clandestinement en Indonésie pour rejoindre l’Australie. Mais c’est l’enfer de l’île de Manus, une île au nord-est de la Papouasie Nouvelle Guinée, qu’ils ont trouvé.

Le gouvernement australien refuse d’accueillir les demandeurs d’asile sur son sol et les place systématiquement dans des camps de réfugiés sur deux îles situées à des milliers de kilomètres de leurs côtes : Manus Island (Manus Island Regional Processing Center) et Christmas Island. Le temps de traiter les dossiers. Un temps qui dure alors que les conditions d’enfermement dans des baraquements ou sous des tentes sont extrêmes. Au point qu’environ quatre cents d’entre eux ont entamé une grève de la faim, disant préférer retourner d’où ils viennent plutôt que de rester sur l’île où ils sont enfermés.

Source : The Guardian

Source : The Guardian

Certains internés sont là depuis plus d’un an et demi et n’ont pour perspective que de s’établir sur l’île sur laquelle ils se trouvent ou bien en Papouasie Nouvelle Guinée. Ce qu’ils refusent absolument, connaissant l’inimitié des locaux envers les étrangers.

Ils sont plus de 2000, répartis entre les deux camps des îles de Manus et Noël (Christmas island).

La situation vient de s’aggraver, les réfugiés se sont soulevés mardi dernier et les gardiens ont reçu la consigne de ne plus entrer. Selon certaines sources, la police a dû tirer. Un interné rapporte qu’ « un détenu s’évanouit toutes les trente minutes » et que « The guard try to turn our hunger strike into violence, like one year ago. »

source : the guardianSource : The Guardian

80 d’entre eux signaient une lettre vendredi dernier :  » Une catastrophe est sur le point d’arriver, s’il vous plaît, évitez ce désastre. Le gouvernement australien veut nous installer en Papouasie Nouvelle Guinée contre notre volonté, par la force. Nous ne voulons pas l’asile en Papouasie Nouvelle Guinée car il n’y a aucune sécurité et aucun avenir pour nous et nos familles. Aujourd’hui nous nous considérons comme des otages du gouvernement australien qui ainsi veut en dissuader d’autres de venir en Australie. »

Dernière minute : Les demandeurs d’asile se sont barricadés à l’intérieur et empêchent les gardiens d’entrer. Ils ont détruit leurs passeports.

L’Australie reste ferme sur sa position tandis que le ministre de l’immigration, Peter Dutton, confirme qu’aucun gréviste de la faim ne sera admis sur le territoire australien.

Partout des drames de l’immigration, conséquences des guerres et des dictatures.

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Bienvenue aux migrants en Papouasie-Nouvelle-Guinée !

Friday, December 23rd, 2011. Source CathNews New Zealand

Où l’on apprend que l’Australie paye la Papouasie-Nouvelle-Guinée et l’île de Nauru pour y accueillir, plutôt que sur son sol, ses camps de détention destinés aux candidats à l’immigration : Nauru riot: 125 asylum seekers arrested. Ils arrivent illégalement en bateau d’Afghanistan, du Sri Lanka, du Pakistan. De jeunes hommes pour la plupart (Australia and asylum seekers: the key facts you need to know).

Mais le 19 juillet, le Premier Ministre australien annonce que le pays ferme ses frontières aux migrants et qu’ils seront désormais renvoyés en Papouasie Nouvelle-Guinée, un de ses plus pauvres voisins.

Dans le camp de refugiés de l’île de Nauru, plus petite république du monde de 21 km2 et 9378 habitants et qui accueille un camp de réfugiés, la réaction n’a pas tardé après l’annonce.

Une révolte suivie de l’incendie du camp. Bilan : le camp presque entièrement détruit, 125 demandeurs d’asile arrêtés et 420 transférés dans des tentes.

Le camp de Nauru détruit après l’incendie.

Selon un témoin dont les propos sont rapportés par The Guardian, un millier d’habitants de l’île – un dixième de la population – armés de machettes et de barres en acier ont prêté main forte à la police pour contenir la révolte.

Les migrants pour l’Australie vont-ils tous finir sur ce petit caillou du Pacifique et en Papouasie Nouvelle Guinée, un pays qui souffre déjà de graves troubles ?

L’îlot de Nauru, caillou dans le Pacifique, où l’Australie externalise ses camps de réfugiés et théâtre vendredi d’émeutes.

Lire également : Papua New Guinea: a country suffering spiralling violence

Site du gouvernement Australien, Département de l’immigration

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Dans les camps des îles grecques, les drames de l’humanité…

« EVERY ONE NEEDS FUTURE ! »

 

 

Soudanais, Somaliens, Mauritaniens, Palestiniens, Bengalis, Pakistanais, Afghans, Iraniens… Des jeunes hommes pour la plupart. Je n’ai rencontré qu’une poignée de femmes, palestiniennes, à Chios.

C’était en avril 2006. J’avais pu visiter les camps de réfugiés – interdits aux journalistes -, de Chios et Mythilène, ces deux îles grecques proches des côtes turques.

Déjà la Grèce supportait seule, sans l’aide de l’Europe, le poids de ces milliers de destins à la dérive, chassés de chez eux par les guerres et la misère, arrivés (quand ils réussissaient) en petits bateaux gonflables, après de longs périples.

J’ai visité aussi les cimetières sur les îles grecques, où certains destins se sont arrêtés à jamais. Quelques tombes anonymes repérées par quelques briques.

A Mythilène et Chios, j’ai pu admirer la chaleur des îliens aussi, très impliqués pour aider ces désespérés. Admirable fraternité grecque ! Je me souviens d’une soirée merveilleuse et presque magique à Athènes, entre Grecs des associations et réfugiés (Syriens – torturés – Somaliens, Ethiopiens, Soudanais…).

Cinq ans après, rien n’a changé, les drames humains s’étendent sur la planète.

Il faut savoir que Chios et Mythilène ne sont pas la fin d’un voyage mais le début d’un long long périple pour se trouver une place quelque part sur cette terre.

A Mythilène, j’avais rencontré Arif, un jeune Hazara d’Afghanistan, pays qu’il n’a jamais connu, ses parents ayant fui en Iran, son père, un mujahhidin, disparu, prisonnier quelque part des talibans.

J’ai suivi pendant quelques années son périple. La sortie du camp, Athènes, l’installation, les espoirs, les désillusions… Après la Grèce, l’Italie, puis Paris, où il resta quelques mois. L’Angleterre ensuite. Paris de nouveau. La Norvège enfin, mais là j’ai perdu sa trace. Coups de fils manqués etc.

Je pense souvent à lui.  Le travail au noir. Harassant. Plus de seize heures par jour… Et toujours le sourire, ne jamais montrer que c’est dur… Cinq ans d’essais de vivre. J’espère qu’Arif aujourd’hui a pu s’établir quelque part, et obtenir des papiers enfin.

A Paris en revenant d’Angleterre, il m’a confié un DVD qu’il avait fait graver pour la fête des mères. Il lui envoyait des photos de lui heureux, devant la Tour Eiffel, devant Big ben etc… pour lui faire croire que sa vie était belle, qu’il avait réussi… Et puis à la fin, je suis tombée sur un extrait de reportage qu’un journaliste hollandais faisait à Calais sur les migrants et il avait suivi… Arif ! Arif expliquait qu’il était à Calais depuis un mois, que c’était dur… A moi il avait dit trois jours, il ne s’était jamais plaint…

Le camp de Mythilène est ouvert à tous vents. Sept grands hangars séparent les différentes nationalités (autrement ils se battent) : Afghans et Iraniens ensemble, Ivoiriens, Somaliens et Mauritaniens ensemble. Vastes dortoirs où chacun attend de sortir pour commencer – enfin ! croient-ils – une nouvelle vie.

Quelques récits recueillis avec un simple dictaphone à travers les barreaux (avec les gardes derrière moi qui surveillaient ce que nous disions et l’interdiction de prendre des photos) :

Ici le récit d’Abu Bakar, Mauritanien : 9 Abu Bakar Mauritanie

Là celui d’Issiaka, Ivoirien, 29 ans : 3 Issiaka Ivoirien

et ici celui d’Hassan, Somalie, 26 ans, qui a perdu ses frères et soeurs : 7 Hasan Somalia :

« EVERY ONE NEEDS FUTURE ! EVERYBODY KNOWS EUROPE IS GOOD ! »