Les cent ans de Jean Malaurie au Quai Branly

Je suis si heureuse d’être invitée à participer, en tant qu’auteure de la collection Terre Humaine, à la célébration des cent ans de Jean Malaurie qui se tiendra au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022 : Jean Malaurie, l’apprenti chaman.

Il est en effet la personnalité que j’admire le plus – avec celle de Claude Lévi-Strauss – car c’est un être complet, un sage, un humaniste, un scientifique, un intellectuel entièrement libre, un anthropologue et aussi une personnalité hors du commun, fascinante, intelligente et pleine d’humour. Enfin, il fut un résistant pendant la seconde guerre mondiale.

Pour apprendre à mieux connaître ce personnage exceptionnel, il faut lire ses livres bien-sûr, mais aussi l’écouter, comme ici par exemple :

Jean Malaurie, professeur honoris causa, HEC Paris

France Inter 2018

Le temps d’un bivouac 2018

Rendez-vous donc au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022.

Le destin tragique d’Adolphe von Schlagintweit

Aviez-vous entendu parler des frères Schlagintweit ? Ils sont cinq, nés en Bavière, dont trois explorateurs en Haute-Asie : Hermann, Adolphe et Robert, nés au début du XIXe siècle. Les trois frères, qui avaient plus d’une corde à leur arc (aquarellistes, botanistes, glaciologues, etc.), se distinguèrent par leurs explorations du Tibet et du Turkestan oriental, au point de recevoir en 1859 le grand prix de la Société de Géographie de Paris.

Hermann (1826 – 1882), notamment, est reconnu pour la qualité de ses aquarelles :

Notez que c’est à titre posthume qu’Adolphe (1829 – 1857) reçut son prix. En effet, celui-ci disparut en 1857 à 28 ans. De source quasi certaine, il fut décapité par Wali Khan, l’émir de Kashgar, son crâne couronnant une pyramide d’autres crânes à l’entrée de la ville. Quant aux circonstances exactes de sa mort, ses frères enquêtèrent longtemps.

A la fin de l’année 1856, les trois frères, qui se trouvaient au Punjab, se séparèrent. Robert et Hermann rentrèrent en Europe, tandis qu’Adolphe souhaitait séjourner une année de plus dans la région afin, notamment, d’explorer plusieurs parties inconnues du Tibet et du Turkestan.

Adolf_von_Schlagintweit-Julius_(...)Schlegel_Julius_btv1b84503133_(cropped)

Adolphe von Schlagintweit.

Déguisé en marchand indien, il était accompagné d’une impressionnante caravane lorsqu’il quitta Rawalpindi le 13 décembre 1856 : « plusieurs guides, de nombreux domestiques, quelques-uns armés, et, outre les chevaux, des yaks chargés des provisions, des tentes et des marchandises, soieries, tapis, vêtements, destinés à servir aux échanges ou à être donnés en présents ; enfin, un troupeau de bétail, moutons, chèvres, etc. » Autant de précautions nécessaires pour passer l’Himalaya par des chemins inconnus.

Début août 1857, la caravane se trouve à cinq jours de Yarkand, au Turkestan. Mais Schlagintweit apprend que des combats ont lieu du côté de Yarkand et Kashgar, entre les émirs turks et les Chinois qui n’ont de cesse d’occuper ces bastions du Turkestan. Kashgar était alors au pouvoir de Wali Khan, un émir cruel. Néanmoins, Shlagintweit décida de poursuivre sa route vers la cité, renvoyant tout de même à Lahore par précaution ses manuscrits, dessins et collections. Ayant demandé une audience à Wali Khan, « Celui-ci, pour toute réponse, l’aurait fait arrêter et conduire en sa présence avec son escorte. Puis, sans vouloir entendre aucune explication, sur-le-champ il lui aurait fait trancher la tête hors de la ville ».

Lire l’article de la revue Le Tour du Monde (1860)  : Mort du voyageur Adolphe Schlagintweit dans le Turkestan

Voir aussi : On the death of M. Adolphe Schlagintweit.

Sa tombe se trouve à Münich car, quelques années plus tard, un anthropologue kazakh, se rendit à Kashgar, retrouva et rapporta ses restes en Russie. Mais ceci fera l’objet d’un autre post.

Fêtes himalayennes, les derniers Kalash

HinduKush

Hindou Kouch. Copyright 2012 Sylvie Lasserre

Une somptueuse exposition, « Fêtes himalayennes, les derniers Kalash« , organisée par les ethnologues spécialistes des Kalash, Jean-Yves et Viviane Lièvre, et par le photographe Hervé Nègre, est à voir à Lyon, au Musée des Confluences. Surtout ne la manquez pas si vous avez l’occasion de passer à Lyon. Elle se termine le 1er décembre 2019.

A écouter : Au fil des saisons kalash

Dossier de presse : dp_kalash

Les Kalash, dernier peuple païen, sont établis dans la région de Chitral au Nord du Pakistan. Ils vivent au rythme des saisons qu’ils fêtent lors de cérémonies spectaculaires, dans trois vallées situées à la frontière avec l’Afghanistan. Le tourisme qui les envahit désormais, ainsi que les conversions à l’islam qui progressent dans leur communauté, menacent leur culture de disparition.

Les Kalash commencent d’ailleurs à se rebiffer contre certains touristes qui se rendent dans les vallées reculées pensant y trouver alcool et femmes faciles : « One video viewed 1.3 million times on YouTube, proclaims the Kalash « openly have sex » with partners of their choosing « in the presence of their husbands ».« 

Pierres à pluie de Yarkand

samedi 16 mars 2019

On trouve les pierres à pluie dans de nombreuses contrées. En voici encore une attestation, qui décrit aussi la façon dont elles sont utilisées à Yarkand, au sud de l’actuel Xinjiang en Chine (pays des Ouïghours). Extrait du journal de voyage de Mir I’zzet-Ullah, Voyage dans l’Asie centrale, 1812, paru dans Magazin asiatique, ou Revue géographique et historique de l’Asie centrale et septentrionale, tome second, p. 33, publiée par Julius Klaproth, juillet 1826 :

 » Une des curiosités du pays est la pierre nommée yedeh, qui se tire de la tête d’une vache ou d’un cheval, et par la vertu de laquelle on peut produire la neige ou la pluie. Je n’ai pas eu l’occasion d’observer le fait ; mais la vérité m’en a été attestée par plusieurs personnes ; celles qui font usage de la pierre sont en grand nombre ; on les appelle yededji ; il faut enduire la pierre du sang d’un animal, puis on la jette dans l’eau ; en même tems on lit une formule de charme : aussitôt un grand vent s’élève, et ensuite la pluie et la neige tombent. Les vertus de cette pierre sont restreintes aux pays froids ; il serait, par conséquent, inutile de la transporter dans les cantons sablonneux de l’Hindoustân. »

Nous trouvons encore trace de cette pierre, appelée yedeh tash « pierre yedeh », à Gummi, une ville située entre Yarkand et Khoten, dont le chef, Kurban Beg, était en possession de cette pierre qui avait la faculté de faire tomber la pluie dès qu’on la plonge dans de l’eau douce, nous dit-on (Memoir on Chinese Tartary and Khoten, W. H. Wathen, The Journal of the Asiatic Society of Bengal, Volume IV, p. 657, 1835).

Voyage au pays des Ouïghours

Chers amis,

Je reçois de nombreuses demandes concernant mon livre “Voyage au pays des Ouïghours”.
Malheureusement celui-ci est épuisé et l’éditeur a cessé son activité.

Tout n’est pas perdu : j’envoie la version électronique (PDF) sur demande au même prix que la version papier (15 €).

Contact : sylvielasserre@gmail.com

Culte des Biarmiens. Histoire de la Laponie

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

« Les Biarmiens n’adoroient pas par tout le Dieu Jumala ; mais en de certains lieux seulement, et peut-être qu’il n’y en avoit qu’un seul , au milieu des plus épaisses forests, apartenant au roi Harcker. On avoit bâti dans ces forests une espece de temple, où les Peuples les plus éloignez aussi bien que les plus proches venoient rendre à ce Dieu leurs adorations. Cette espece de temple étoit entouré seulement de quelque sorte de hayes. Le mot Hoff,  dont on s’est servi, est proprement cela, et signifie encore aujourd’hui un lieu entouré de tous côtez, ouvert toute fois par un endroit. Le Dieu Jumala étoit en cette espece de temple, dans une forest, où il y avoit une haye for haute, fermée d’une porte, pour en défendre l’entrée à ceux, à qui il n’étoit pas permis d’aprocher du Dieu. Voilà ce que quelques historiens disent de Jumala , et du culte dont les Biarmiens l’honnoroient. »

Extrait de Histoire de la Laponie de Johannes Scheffer (1621-1679)

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

La croisière jaune au Turkestan chinois

Vendredi 11 septembre 2015

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

C’est une très belle série sur le voyage que nous propose l’émission d’Emmanuel Laurentin, La Fabrique de l’Histoire, sur France Culture. Notamment celle-ci sur La Croisière Jaune : La Croisière jaune, des chenilles sur la Route de la Soie.

101_007

L’on y constate que les persécutions des Chinois envers les Ouïghours ne datent pas d’aujourd’hui. Le mot ouïghour n’est pas prononcé, les explorateurs parlent de musulmans chinois. Extraits de témoignages de l’époque :

« On est arrivés à la frontière […] et on est tombés en pleine bagarre entre Chinois et Chinois musulmans. […] Tout le monde a eu peur, tout le monde a foutu le camp, provisoirement notre arrivée a arrêté la bagarre. Ils ont vu arriver neuf voitures, ils se sont demandé ce qui arrivait.  »

120616120909415280

« On arrive sur les arrières de l’armée chinoise. Il y avait des blessés… les charrettes derrière avec les femmes, la famille qui suivaient l’armée qui suivaient leurs parents soldats. Les Chinois avaient fait des prisonniers musulmans. J’en ai vu un notamment qui arrivait avec un officier chinois, qui était attaché, qui avait une blessure sur la poitrine, et… ils l’ont amené là, ils lui ont tranché la tête. Ensuite il lui a ouvert le ventre il a arraché le coeur, il est parti avec le coeur et la tête. Nous sommes rentrés à Hami, nous avons campé dans un hangar à Hami et dans la nuit on entendait dans la caserne chinoise les hurlements des musulmans qui étaient torturés. Le lendemain matin en partant sur les portes de la ville il y avait des poteaux avec les têtes décapitées. »

 

 

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]

Meurtre dans l’Hindu Kush

Lundi 27 juillet 2015

Avez-vous jamais entendu parler de George Hayward ? L’un des explorateurs d’Asie centrale de l’époque du Grand Jeu les plus remarquables et brillants ; et le seul d’entre tous à avoir obtenu un financement de la Royal Geographical Society. Sa mission : explorer le Turkestan oriental et le Pamir, découvrir la source de l’Oxus.

George Hayward. Source : https://yasinviewpoint.wordpress.com/category/images/

George Hayward (1839 – 1870). Source : https://yasinviewpoint.wordpress.com/category/images/

Sans doute n’est-il pas passé à la postérité, contrairement à nombre d’autres explorateurs du Grand Jeu, parce qu’il n’a pas laissé de récit de ses voyages. Juste des lettres de rapport et des comptes-rendus d’une qualité et d’une précision remarquables.

Qui sait par exemple qu’il côtoya Robert Shaw (l’oncle de Francis Younghusband) dans les geôles du terrible Yakub Beg, l’Emir de Kashgarie ? Hayward reçut la médaille d’or de la Royal Geography Society en 1870, Shaw en 1872. Tous deux pour leur voyages dans le Turkestan oriental.

durand_mapMais la même année, alors qu’il se rendait du Kashmir au Badakhshan à la recherche des sources de l’Oxus (l’actuelle Amu Darya), il fut victime d’un complot. Après avoir quitté Gilgit, dès qu’il eut établi son campement dans la vallée de Yasin, il comprit qu’il était en danger. Trop de monde dans ce petit hameau. Les témoins racontent qu’il passa la nuit éveillé, assis à sa table de travail, sur le qui-vive, une torche dans une main, une arme dans l’autre. Mais au petit matin il lâcha la garde et s’endormit. C’est alors que ses assassins s’emparèrent de lui :

« Alors Kukaki entra dans la tente avec une corde ramassée parmi les bagages, et pendant que les autres tenaient en échec les serviteurs et les ligotaient, lui, avec l’aide d’autres, se saisit de Mr. Hayward et lui attacha les mains dans le dos. Et puis il les conduisit lui et ses serviteurs loin hors du camp, dans la forêt à plus d’un kilomètre tandis que Mr. Hayward leur proposait une rançon pour avoir la vie sauve. Arrivés à l’endroit voulu, Shah Dil Ilman sortit son épée et d’un coup lui trancha le cou. Et pendant ce temps il était en train de dire une prière. Au même moment, quatre des cinq serviteurs étaient tués à proximité. Ils recouvrirent les corps de tas de pierres et s’en allèrent. » Témoignage de Frederick Drew , membre de la Geological Society, qui enquêta sur sa mort.

L’on rapatria sa dépouille à Gilgit et il fut enterré dans un verger près du fort.

Pierre tombale sur la tombe de George Hayward à Gilgit, érigée par le Maharaja du Kashmir.

Pierre tombale sur la tombe de George Hayward à Gilgit, érigée par le Maharaja du Kashmir.

Enfin, depuis peu, ce personnage étonnant sort de l’ombre, notamment grâce à un livre : « Murder in the Hindu Kush« .

[wpsr_addthis][wpsr_retweet][wpsr_facebook]