La Chine inspirée par les pratiques nazies pour exterminer les Ouïghours.

Selon le média en ligne The Atlantic, Xi Jinping et son gouvernement s’inspirent fortement de l’idéologie nazie : ils se sont entichés du théoricien politique et juriste, membre éminent du parti nazi, Carl Schmitt (source :The Nazi Inspiring China’s Communists), dont les principaux travaux ont été traduits en chinois par Liu Xiaofeng, un universitaire très suivi en Chine. Les travaux de Carl Schmitt arrangent bien Pékin car il donnent une justification à ses crimes : protéger la sécurité nationale (sic !).

Même s’il n’est pas comparable avec la Shoah, le génocide qu’est en train de subir le peuple ouïghour présente de nombreuses analogies. Dans les 381 camps d’internement construits récemment et disséminés au Xinjiang, les Ouïghours subissent : convoyages vers des usines, travail forcé, expériences médicales, tortures, exécutions sommaires (selon des informations obtenues par Erkin Sidiq, un Ouïghour exilé aux Etats-Unis), stérilisation forcée des femmes, traitements psychologiques inhumains au point de rendre fou, maltraitances physiques qui conduisent à la mort, etc. Un tiers à deux tiers de la population ouïghoure est en train de subir ce crime contre l’humanité. Autre analogie avec le régime nazi : la tentative de dissimulation au monde des crimes.

Dans la plupart des camps, les femmes sont rasées. Il y a quelques mois, les douanes américaines saisirent deux cargaisons de postiches faits de cheveux humains à 100 % en provenance du Xinjiang, suspectant l’utilisation du travail forcé. Aujourd’hui, un média en ligne néerlandais, Investico, dénonce le fait que les cheveux humains vendus aux Pays-Bas servant à des extensions proviennent du Xinjiang et du travail forcé (Haar van Oeigoeren mogelijk in nederlandse haarproducten).

Non seulement ce sont les cheveux des femmes ouïghoures qui sont utilisés, mais en plus les mèches sont fabriquées grâce au travail forcé des Ouïghours, tout ceci se passant dans les camps.

Cela rappelle de très sombres heures de l’histoire. Les gouvernements ne peuvent plus ignorer qu’un crime contre l’humanité, à très grande échelle, est en train de se dérouler. La population ouïghoure est aujourd’hui proche de l’éradication totale. Un jour peut-être viendra où tous les collaborateurs, chinois et du monde entier, de ce régime criminel seront jugés. Des actions dans le monde se préparent en ce sens.

Ouïghours libérés des camps

Mais que leur ont-ils fait pour qu’ils ressemblent à des morts vivants après leur libération? Combien de temps encore le monde va-t-il tolérer ces crimes sur ce peuple innocent que veut éradiquer la Chine ?

Les Ouïghours, héroïques, poursuivent leurs campagnes de dénonciation silencieuse. Que peuvent-ils faire d’autre ? Après la campagne : « Où est mon frère ? », « Où est ma soeur ? »…, voici celle de proches libérés de camps.

Elle est extrêmement choquante. Au risque de leur vie, ils postent les vidéos de leur père, mère, soeur, fils, fille… libérés de camps dans un état de santé détériorée au point qu’il faut des images pour que le monde puisse le croire.

Cette campagne doit faire réagir de façon intransigeante le reste du monde contre ces crimes perpétrés sous nos yeux et toujours impunis. Ce n’est plus tolérable. Je vous laisse juge.

Voyage au pays des Ouïghours. Revue de presse

Revue de presse :

Citations :

Mon dernier livre sur les Ouïghours est paru !

Paru cette semaine aux éditions Hesse :

Voyage au Pays des Ouïghours – De la répression invisible à l’enfer orwellien

Mon livre évoque la situation dramatique de ce peuple soumis aux pires exactions de la part de Pékin. Le voyage commence en 2006 pour arriver à nos jours (en 2020) et à l’horreur des camps.

 

Le destin tragique d’Adolphe von Schlagintweit

Aviez-vous entendu parler des frères Schlagintweit ? Ils sont cinq, nés en Bavière, dont trois explorateurs en Haute-Asie : Hermann, Adolphe et Robert, nés au début du XIXe siècle. Les trois frères, qui avaient plus d’une corde à leur arc (aquarellistes, botanistes, glaciologues, etc.), se distinguèrent par leurs explorations du Tibet et du Turkestan oriental, au point de recevoir en 1859 le grand prix de la Société de Géographie de Paris.

Hermann (1826 – 1882), notamment, est reconnu pour la qualité de ses aquarelles :

Notez que c’est à titre posthume qu’Adolphe (1829 – 1857) reçut son prix. En effet, celui-ci disparut en 1857 à 28 ans. De source quasi certaine, il fut décapité par Wali Khan, l’émir de Kashgar, son crâne couronnant une pyramide d’autres crânes à l’entrée de la ville. Quant aux circonstances exactes de sa mort, ses frères enquêtèrent longtemps.

A la fin de l’année 1856, les trois frères, qui se trouvaient au Punjab, se séparèrent. Robert et Hermann rentrèrent en Europe, tandis qu’Adolphe souhaitait séjourner une année de plus dans la région afin, notamment, d’explorer plusieurs parties inconnues du Tibet et du Turkestan.

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Adolphe von Schlagintweit.

Déguisé en marchand indien, il était accompagné d’une impressionnante caravane lorsqu’il quitta Rawalpindi le 13 décembre 1856 : « plusieurs guides, de nombreux domestiques, quelques-uns armés, et, outre les chevaux, des yaks chargés des provisions, des tentes et des marchandises, soieries, tapis, vêtements, destinés à servir aux échanges ou à être donnés en présents ; enfin, un troupeau de bétail, moutons, chèvres, etc. » Autant de précautions nécessaires pour passer l’Himalaya par des chemins inconnus.

Début août 1857, la caravane se trouve à cinq jours de Yarkand, au Turkestan. Mais Schlagintweit apprend que des combats ont lieu du côté de Yarkand et Kashgar, entre les émirs turks et les Chinois qui n’ont de cesse d’occuper ces bastions du Turkestan. Kashgar était alors au pouvoir de Wali Khan, un émir cruel. Néanmoins, Shlagintweit décida de poursuivre sa route vers la cité, renvoyant tout de même à Lahore par précaution ses manuscrits, dessins et collections. Ayant demandé une audience à Wali Khan, « Celui-ci, pour toute réponse, l’aurait fait arrêter et conduire en sa présence avec son escorte. Puis, sans vouloir entendre aucune explication, sur-le-champ il lui aurait fait trancher la tête hors de la ville ».

Lire l’article de la revue Le Tour du Monde (1860)  : Mort du voyageur Adolphe Schlagintweit dans le Turkestan

Voir aussi : On the death of M. Adolphe Schlagintweit.

Sa tombe se trouve à Münich car, quelques années plus tard, un anthropologue kazakh, se rendit à Kashgar, retrouva et rapporta ses restes en Russie. Mais ceci fera l’objet d’un autre post.

Reparution du Voyage au pays des Ouïghours

Mardi 2 juillet 2019

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Alors que mon ouvrage Voyage au pays des Ouïghours était épuisé depuis longtemps et que l’éditeur n’existe plus, je suis heureuse de vous annoncer qu’il reparaît chez Bookelis chez qui vous pourrez désormais vous le procurer si vous ne l’avez pas déjà lu : Voyage au pays des Ouïghours

Lire un extrait :

« Quand la sunay [1] entonne sa gaie mélopée et le naghra [2] se met à vibrer, une clameur s’élève dans la foule amassée devant la mosquée jaune. Regroupés au bas des marches, une cinquantaine de gamins lèvent la tête et crient joyeusement vers les trois musiciens juchés sur le bord du toit de la mosquée : « Samâ ! Samâ ! » Sifflets et joyeuses interjections ravissent l’atmosphère. Mais ce n’est pas encore le samâ, c’est une autre mélodie. Alors les gamins hurlent de plus belle : « Samâ ! Samâ ! Samâ ! » Les musiciens se font attendre, chauffent l’ambiance. Alors, en chœur, les garçonnets scandent : « Un ! Deux ! Trois ! Samâ ! » Les musiciens ne se décident toujours pas.Samâaaaaa !!!!! Autour d’eux, le parvis est noir de monde. Chacun attend fiévreusement le samâ. Les musiciens poursuivent leur mélopée monotone, la foule se fait de plus en plus impatiente. Des curieux s’adressent à Dilraba : Qui suis-je, que fais-je… Les traîtres espions sont partout, souvent sous des dehors très anodins. Il faut même se méfier des clochards paraît-il. Soudain le rythme change, c’est la mélodie du samâ. On nous fait signe de faire de la place et c’est parti ! Un enfant lance les bras en l’air et entame la danse. Ses camarades le suivent. Ils sont cinq ou six à peine. Un petit cercle s’ébauche. Les jeunes danseurs frappent des mains et poussent des « Han ! » « Houey ! » pour se donner de l’entrain. Peu à peu le cercle grandit. Un à un les danseurs entrent dans la ronde qui s’élargit toujours plus. Le soleil darde ses rayons, les abeilles collantes de septembre sont de la partie. Un touriste chinois, de Pékin sans doute, se joint à la danse et tente d’apprendre. Un vieil Ouïghour s’approche et lui montre.Sans doute abusé par le châle fleuri que je porte, un homme me demande si je viens d’Ouzbékistan. Je lui dis que non, de France et il s’éloigne, satisfait. Les Ouïghours, comme souvent les habitants d’Asie centrale, sont très curieux. Au Turkestan, on n’hésite pas à aborder l’étranger pour le questionner, sans arrière-pensée, juste pour le plaisir.Par moments le samâ est ponctué de grands « Han ! » scandés par les danseurs. Tentatives pour parvenir à l’extase ? Mais la transe ne sera pas au rendez-vous.Aucune femme dans la ronde. Les hommes dansent, les femmes regardent. Un jeune Chinois à l’allure très citadine se risque à son tour et entre dans le cercle. Il tente d’apprendre. Pataud au début, il capte enfin la bonne gestuelle. Assez grand, plutôt beau, il a de l’allure avec son béret, ses savates locales, son ample pardessus beige et sa besace jetée sur l’épaule. Tout le monde le regarde. Amusement général. Dilraba et moi en profitons pour échanger nos commentaires sur les danseurs.Une femme vient d’entrer dans la danse. Elle paraît folle. Une mendiante ? Afin d’élargir le cercle, les danseurs repoussent de leurs bras, qu’ils jettent d’un côté puis de l’autre tout en dansant, les spectateurs agglutinés trop près. Tandis qu’ils dégagent ainsi de la place, je ressens chez certains des plus jeunes, aux mouvements de leurs bras, à la fierté impassible qu’affiche leur visage, à la façon aussi dont ils écartent les badauds, une agressivité contenue. Certainement une manière de revendiquer leur culture, mine de rien, ce qu’ils n’ont jamais l’occasion de faire autrement. »

[1] Instrument à vent en bois.

[2] Instrument à percussion métallique.

An Uyghur doctor honoris causa of a French University condemned to death in China

Monday, October 15th 2018

The news, chilling, just came: A doctor honoris causa of the French Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) has been sentenced to death. He will be executed in two years. This is happening in China, and the researcher in question, Tashpolat Tiyip, is a renowned geographer. His only crime? To be Uyghur. He received the honorary title on November 14, 2008 at the Sorbonne, Paris, to salute his work on the environment in arid zones by satellite remote sensing. His friends and colleagues in Europe are appalled. His crime? He is suspected of being « double-faced », that is to say that Beijing accuses him of nourishing a secret attachment to his culture, this being unjustified since he was a member of the Chinese Communist Party and President of the University of Xinjiang since 2010 (after serving as Vice President from 1996 to 2010).

Tashpolat Teyip, doctor honoris causa of the Ecole Pratique des Hautes Etudes and President of the Xinjiang University, disappeared while going to a conference in Germany. Two years later, the news came that he was sentenced to death for having politically incorrect thoughts. Crédit EPHE

According to EPHE President Hubert Bost, Tashpolat Tiyip’s French colleagues saw him for the last time in February 2016. They remember him as a very funny, likeable person, fond of music and singing.

Sources disclosed that his duties as President of Xinjiang University were withdrawn in March 2017. Two months later, while on his way to a conference in Germany, he was arrested at Beijing Airport. His relatives, without news, are very worried. Nobody knows where he is. On the internet, the results of research about him only mention his scientific publications. « They have erased everything from the internet, » says a Uyghur who wants to remain anonymous. Moreover, the Uyghurs of the diaspora avoid doing such research on the web, they know that it can cost the prison or the rehabilitation camp to their relatives left in Xinjiang.

Tashpolat is not the only intellectual to have disappeared without a trace until the sentence is learned: Halmurat Ghopur, President of the University of Medicine of Xinjiang was arrested on April 7, 2017. He, too, has just been sentenced to death. Arslan Abdullah, director of the Institute of Human Sciences, arrested. Azat Sultan, director of the Association for Art and Literature of Xinjiang and Vice President of Xinjiang University, very knowledgeable of Uyghur literature, also arrested in July 2017, as well as Abdukerim Rahman, Rahile Dawut and Gheyretjan Osman, professors of literature, anthropology and history – reportedly arrested in January 2018. Same fate for the writer Yalqun Rozi, who disappeared more than a year ago before one learns his life sentence. Regarding Satar Sawut, the former director of Education, there are rumors about his death in custody. The list of arrested intellectuals continues to grow. Reportedly, according to Radio Free Asia, fifty-six lecturers and researchers have disappeared and are thought to have been sent to camps.

The actors and the journalists are also victims of the same move. According to Radio Free Asia English, Qeyser Qeyum, editor-in-chief of a literary magazine, committed suicide at the end of September 2018 by jumping from the 8th floor because he learned that he will be arrested. Before him, the editor of the Xinjiang Daily and three other directors had been arrested in mid-2017.

Since the end of 2016, Beijing has begun to imprison or to re-educate Uyghurs accused of having politically incorrect thoughts. It seems that the government of Xi Jinping has decided to get rid of the Uyghur elites. A foretaste of it was the arrest in January 2014 of Ilham Tohti, professor of economics, arrest that caused a big stir as well as his life sentence in 2018. « They want us to disappear, » says, bitter, a Uyghur settled in Europe.

Since the appointment of Chen Quanguo as head of the Xinjiang Communist Party in 2016, Uighurs’ ordeal has reached unprecedented proportions: setting up of controls using monitoring devices unique in the world: all three hundred meters surveillance towers with soldiers – there are 1400 wujingzhan only in Urumqi -, facial recognition devices everywhere, control of the phones, incessant identity checks, even at the entrance of supermarkets, cameras, affixing on each house a QR code containing all the information related to the family – the knives of the house are also equipped with these QR codes -, bursts in houses at any time, etc. and then, about two years ago, launching of a massive re-education campaign targeting the Uyghur people to bring them to the main stream: « Almost all Uyghurs from abroad who return to China for the holidays are arrested in Beijing and sent to re-education camps,” disclosed us the source. Since then, they are scared to return to China to see their family. Alas, the government has asked them to send their papers, their employment contracts or student cards, their photographs, etc. otherwise their relatives in China would be arrested. « We are living the darkest, saddest period of our history, » said a Uyghur who agreed on the condition of anonymity. We are nothing else than laboratory mice for the Chinese government.” According to Radio Free Asia English, Xinjiang reportedly recruited in 2016 more than 30,000 new police officers, 89 % being dedicated to the surveillance towers.

The attacks on the freedoms of the Uyghurs are not new. Already in 2007, Rebiya Kadeer, was mentioning a cultural genocide to denounce the exactions of Beijing against her people and claimed: « We live in a huge concentration camp in the open air! » in an interview she gave us in Geneva. But today, the liberticidal system has reached such an extreme that, for the first time, the media publish widely about the alarming situation in Xinjiang. HRW estimates that more than one million Uighurs are interned in camps, this is just over ten per cent of the Uyghur population. The Uyghurs themselves mention the figure of two million, sometimes even three. A village in the Hotan region, Yengisheher, has seen its population decreasing by 40%: according to Radio Free Asia, almost all the adult males of the 1,700 households have been interned.

Little is known about what is going on in the reeducation camps. The NGO Human Rights Watch (HRW) published a report in September 2018, “Eradicating Ideological Viruses – China’s Campaign of Repression Against Xinjiang’s Muslims” with first-hands accounts from five people who have been held in detention centers and in reeducation camps. According to the report, prisoners held in the detention centers are interrogated for days, chained on a chair, badly beaten, or hung from the ceiling in order to make them admit anything. Cells are overcrowded with 24 to 35 people in a 12-square-meter room.

In the reeducation camps, the captives are not allowed to speak in their mother tong but in Mandarin Chinese and undergo a military discipline: flag-raising ceremony every morning and singing songs praising Xi Jinping and the Chinese Communist Party. Before meals they must also praise the president and the Party. “They are given a small bread and a bowl of rice to eat, but if you do not speak good Chinese, they do not give you anything. » Prisoners are told they wouldn’t be released until they can speak Mandarin. Even the illiterate and old ones.

According to the same report, the crime of those held in political education camps is to have relationship with people in a list of 26 foreign countries, or to have practiced Islam. The fact of keeping WhatsApp or a VPN on your phone is also a reason to be politically educated.

Mistreatment is not spared to the detainees: There are reports about guards using high-voltage gloves to hit them. All women had their hair cut off. One who had not been obedient enough was put inside a metal outfit. Another one told HRW he was put inside a kind of well where he could not move and where they poured water until he vanished. Punishment for not being capable of learning patriotic songs quickly enough is deprivation of food for one week. Life in camp is unbearable to the point that many try to commit suicide. Moreover, four deaths have been reported in the political camps due to torture and denial of ill treatment, according to the HRW’s report which states that there are probably more cases.

Cut off from their family, the Uyghurs abroad live in anguish of what happens or can happen to their loved ones: « We cannot call each other. Neither mail nor message nor anything. My father called me from China a year and a half ago to tell me not to call or write to him. That would have put him in danger. I have no news, » said the student. Others are not suspicious enough and go back to spend a few weeks in Xinjiang, like this mother of two, who left late 2016 to China for a couple of days. Her daughters have never seen her again. So many families are broken. This does not only affects Uyghurs of Europe. About three hundreds Pakistani husbands are separated from their Uyghur wives and kids for the same reasons, amongst which 38 headed to Beijing to lobby their embassy (Reuters).

Now that the mass internment of Uyghurs in camps could not be hidden anymore and came to surface, China first denied their existence. But faced with the evidences and the accumulation of testimonies, Beijing recently admitted the facts and is now trying to give a legal frame to the political education camps, calling them “vocational training centers” and claiming they are aiming at offering employment opportunities.

Since October 1st, the Chinese National Day, Beijing is suspected to move prisoners to Inner China and rumors are circulating about the construction of underground camps that would be invisible from satellites.

To read the full text in PDF :  Uyghur elites eradicated

Tashpolat Tiyip receiving the honorific title of doctor honoris causa in Sorbonne, Paris, November 2008. Crédit EPHE

Un docteur honoris causa de l’EPHE, ouïghour, condamné à mort en Chine.

Lundi 15 octobre 2018

Tashpolat Teyip, docteur honoris causa de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et président de l’Université du Xinjiang, a disparu à l’aéroport de Pékin alors qu’il se rendait à une conférence en Allemagne. Deux ans plus tard, tombe la nouvelle de sa condamnation à mort car il est accusé de nourrir des pensées politiquement incorrectes. Crédit EPHE

L’élite ouïghoure décapitée

Un docteur honoris causa de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) condamné à mort en Chine.

Sylvie Lasserre

La nouvelle, glaçante, vient de tomber sur Radio Free Asia ouïghoure : Un docteur honoris causa de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris (EPHE) vient d’être condamné à la peine capitale. Tashpolat Tiyip doit être exécuté dans deux ans, en Chine. Géographe de renom, il reçut le titre honorifique en novembre 2008 à la Sorbonne pour saluer ses travaux sur l’environnement dans les zones arides par télédétection satellitaire. Ses amis et collègues européens sont atterrés. Son crime ? Ouïghour, il est soupçonné d’être « double-face », c’est-à-dire que Pékin lui reproche de nourrir un attachement secret pour sa culture. Or Tashpolat Tiyip était membre du Parti Communiste chinois et président de l’Université du Xinjiang depuis 2010 (après en avoir été le vice-président de 1996 à 2010).

Selon le président de l’EPHE, Hubert Bost, les collègues français de Tashpolat Tiyip l’ont vu pour la dernière fois en février 2016. Ils se rappellent de lui comme d’une personne très drôle, sympathique, féru de musique et de chant, très aimé et respecté.

D’après nos sources, ses fonctions de président de l’Université du Xinjiang lui avaient été retirées en mars 2017. Deux mois plus tard, alors qu’il se rend à un colloque en Allemagne, il est arrêté à l’aéroport de Pékin. Personne ne sait où il se trouve. Sur internet, les résultats des recherches le concernant ne mentionnent que ses publications scientifiques. « Ils ont tout effacé d’internet, » remarque un Ouïghour qui souhaite rester anonyme. D’ailleurs, les Ouïghours de la diaspora évitent de faire de telles recherches sur la toile, ils savent que cela peut coûter la prison ou le camp de rééducation à leurs proches restés au Xinjiang.

Tashpolat n’est pas le seul intellectuel à avoir disparu sans laisser de trace jusqu’à ce qu’émerge la nouvelle d’une condamnation : Halmurat Ghopur, président de l’Université de Médecine du Xinjiang a été arrêté le 7 avril 2017. Lui aussi vient d’être condamné à la peine capitale. Arslan Abdullah, directeur de l’Institut des Sciences humaines, arrêté. Azat Sultan, directeur de l’Association pour l’Art et la Littérature du Xinjiang et vice-président de l’Université du Xinjiang, très grand connaisseur de la littérature ouïghoure, arrêté lui aussi en juillet 2017, ainsi qu’Abdukerim Rahman, Rahile Dawut et Gheyretjan Osman, professeurs de littérature, anthropologie et histoire – ils auraient été arrêtés en janvier 2018. Même sort pour l’écrivain Yalqun Rozi, disparu il y a plus d’un an avant que l’on apprenne sa condamnation à perpétuité. Quant à Satar Sawut, l’ex-directeur de l’Education, des rumeurs circulent sur sa mort en détention. La liste des intellectuels arrêtés ne cesse de s’allonger et selon Radio Free Asia, ce sont cinquante-six professeurs et chercheurs qui auraient ainsi disparu et seraient internés.

Les acteurs et les journalistes sont également victimes de cette campagne. Qeyser Qeyum, rédacteur en chef d’une revue littéraire, s’est suicidé fin septembre 2018 en sautant du 8e étage car il venait d’apprendre qu’il allait être arrêté. Avant lui, le rédacteur en chef du Xinjiang Daily et trois autres directeurs avaient été arrêtés mi-2017.

Depuis fin 2016, Pékin a donc commencé à interner les Ouïghours soupçonnés de nourrir des pensées politiquement incorrectes. Avec ces arrestations massives, il semble que le gouvernement de Xi Jinping ait décidé d’éliminer aussi les élites ouïghoures. Un avant-goût en avait été donné avec l’arrestation en janvier 2014 d’Ilham Tohti, professeur d’économie, arrestation qui fit grand bruit ainsi que sa condamnation à perpétuité en 2018. « Ils veulent nous faire disparaître, » constate amer un Ouïghour installé en Europe.

Depuis la nomination de Chen Quanguo à la tête du Parti Communiste du Xinjiang en 2016, le calvaire des Ouïghours a pris des proportions sans précédents : mise en place de contrôles faisant appel à des dispositifs de surveillance sans équivalent dans le monde : tous les trois cents mètres tours de surveillance avec des soldats – 1400 wujingzhan rien qu’à Urumqi -, dispositifs de reconnaissance faciale partout, contrôles des téléphones, contrôles d’identités incessants, même à l’entrée des supermarchés, caméras, apposition sur chaque maison d’un code QR comportant toutes les informations relatives à la famille – les couteaux de la maison sont également équipés de ces codes QR -, irruptions dans les maisons à toute heure, etc., puis, il y a environ deux ans, lancement d’une vaste campagne de rééducation visant le peuple ouïghour : « Presque tous les Ouïghours de l’étranger qui rentrent en Chine pour les vacances sont arrêtés à Pékin et envoyés dans des centres de rééducation, » nous confiait un informateur. Depuis, ils n’osent plus revenir au pays voir leur famille. Las, le gouvernement leur a demandé d’envoyer leurs papiers, contrat de travail ou carte d’étudiant, photographie et adresse sous peine d’enfermement des proches en Chine. « Nous vivons la période la plus noire, la plus triste de notre histoire, déplore un Ouïghour qui a accepté de nous parler sous la condition de rester anonyme. Nous ne sommes plus que des souris de laboratoire pour le gouvernement chinois. » En 2016, le Xinjiang aurait recruté plus de 30 000 nouveaux policiers, dont 89 % destinés aux tours de surveillance (RFA).

Tashpolat Tiyip à Paris, durant la cérémonie de remise de son titre de docteur honoris causa à la Sorbonne en novembre 2008. Crédit EPHE

Les atteintes aux libertés des Ouïghours ne datent pas d’hier. Déjà en 2007 Rebiya Kadeer, parlait de génocide culturel pour dénoncer les exactions de Pékin à l’encontre de son peuple : « Nous vivons dans un immense camp de concentration à ciel ouvert, » clamait-elle lors d’un entretien qu’elle nous avait alors accordé à Genève. Mais aujourd’hui, le système liberticide mis en place a atteint de tels extrêmes que les médias du monde entier s’en sont émus et les publications alarmistes sur la situation au Xinjiang se multiplient. L’ONG Human Rights Watch (HRW) estime à plus d’un million le nombre d’Ouïghours internés dans des camps, soit un peu plus de 10 % de la population ouïghoure. Les Ouïghours eux-mêmes évoquent le chiffre de deux millions, parfois même trois. Un village de la région de Hotan, Yengisheher, a vu sa population diminuer de 40% : selon Radio Free Asia, presque tous les mâles adultes des 1 700 maisonnées ont été internés.

On sait peu de choses sur ce qui se passe dans les camps de rééducation. HRW a publié en septembre 2018 un rapport intitulé « Éradiquer les virus idéologiques – Campagne de répression de la Chine contre les musulmans du Xinjiang » avec les témoignages de cinq personnes ayant été enfermées dans des centres de détention ou des camps de rééducation. Selon le rapport, dans les centres de détention, les prisonniers sont interrogés pendant plusieurs jours, enchaînés sur une chaise, passés à tabac, ou suspendus au plafond afin de leur faire « avouer ». Les cellules sont surpeuplées avec 24 à 35 personnes pour douze mètres carrés.

Dans les camps de rééducation, les captifs ne sont pas autorisés à parler dans leur langue maternelle et sont soumis à une discipline militaire : levée du drapeau tous les matins et chants de louanges à la gloire de Xi Jinping et du Parti Communiste chinois. Avant les repas, ils doivent également féliciter le président et le parti. « On leur donne un petit pain et un bol de riz à manger, mais s’ils ne parlent pas suffisamment bien chinois, ils ne leur donnent rien. » Les prisonniers sont informés qu’ils ne seront pas libérés tant qu’ils ne parleront pas correctement le mandarin. Même les illettrés et les anciens…

Selon le même rapport, le crime commis par les détenus des camps d’éducation politique est d’avoir pratiqué l’islam ou d’avoir eu des relations avec des personnes vivant dans l’un des 26 pays figurant sur une liste – publiée par HRW – et qui sont des pays musulmans pour la plupart. Le fait d’avoir installé WhatsApp ou un VPN sur son téléphone est également une raison d’être interné.

Les détenus ne sont pas épargnés par les mauvais traitements : Il nous a été signalé que des gardes utilisaient des gants à haute tension pour frapper les récalcitrants. Le rapport d’HRW relate que, dans un camp au moins, toutes les femmes ont eu les cheveux coupés. Un Ouïghour qui n’avait pas été assez obéissant a été enfermé dans un dispositif métallique. Un autre a raconté à HRW qu’il avait été placé au fond d’une sorte de puits où il ne pouvait quasiment pas bouger et qu’on lui versait de l’eau dessus jusqu’à ce qu’il s’évanouisse, transi de froid. Ceux qui ne sont pas capables d’apprendre rapidement les chants patriotiques sont privés de nourriture pendant une semaine. La vie au camp est insupportable au point que nombreux sont ceux qui essaient de se suicider : deux sur les cinq personnes ayant donné leur témoignage à HRW ont attenté à leurs jours. En outre, HRW a relevé que quatre personnes étaient mortes dans des camps politiques à la suite de tortures ou faute d’avoir reçu les soins nécessaires à leur état de santé. HRW estime que le nombre de cas serait supérieur à quatre.

Coupés de leur famille, les Ouïghours de l’étranger vivent dans l’angoisse de ce qui arrive ou peut arriver à leurs proches : « On ne peut pas se téléphoner. Ni mail ni message ni rien. Mon père m’a appelé de Chine il y a un an et demi pour me dire de ne surtout plus l’appeler ni lui écrire. Cela le mettrait en danger. Je n’ai pas de nouvelles », déplore cet étudiant. D’autres ne sont pas assez méfiants et retournent au Xinjiang pour quelques semaines, comme cette mère de deux enfants, qui est partie fin 2016 en Chine pour quelques jours et que ses filles et son mari n’ont jamais revue. Tant de familles sont ainsi brisées. Cela ne concerne pas seulement les Ouïghours d’Europe. Environ trois cents maris pakistanais sont séparés de leurs épouses et enfants ouïghours pour les mêmes raisons ; une cinquantaine d’entre eux se sont rendus à Pékin pour faire pression sur leur ambassade (Reuters).

Maintenant que l’internement de masse des Ouïghours est avéré et que la nouvelle choque le monde, la Chine, qui a d’abord nié l’existence des camps, a dû changer de discours face aux preuves et à l’accumulation de témoignages : Pékin vient d’admettre les faits et tente maintenant de donner un cadre juridique aux camps, qu’elle a requalifiés de« centres de formation professionnelle » dont l’objet serait d’offrir des opportunités d’emploi aux Ouïghours.

Depuis le 1er octobre, fête nationale chinoise, Pékin aurait commencé à déplacer des prisonniers vers la Chine intérieure et des rumeurs circulent sur la construction de camps souterrains, invisibles depuis les satellites.

Pour lire l’article intégral en PDF : L’élite ouïghoure décapitée

Voyage au pays des Ouïghours

Chers amis,

Je reçois de nombreuses demandes concernant mon livre “Voyage au pays des Ouïghours”.
Malheureusement celui-ci est épuisé et l’éditeur a cessé son activité.

Tout n’est pas perdu : j’envoie la version électronique (PDF) sur demande au même prix que la version papier (15 €).

Contact : sylvielasserre@gmail.com

Dans l’ombre de Gengis Khan. Nouvelle parution

Lundi 4 mai 2015

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Une envie de voyage ? Alors plongez-vous dans « L »ombre de Gangis Khan » paru aux éditions Transboréal, une maison spécialisée dans les récits de voyage en Centrasie. Cette ballade au fil des jour nous mène de Tashkent à Osaka en passant par Kashgar et Oulan Bator.

Un voyage de huit mois, en train et bus, accompli par Julien Peltier et son épouse en 2011. L’auteur en tire ce récit sous forme de journal, imprégné d’histoire. Dépaysement garanti.

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