Raymond Davis, l’agent de la CIA meurtrier de 2 Pakistanais, refait parler de lui

Raymond Davis lors de son arrestation à Lahore en janvier 2011. DR

Il avait fait la une des médias au Pakistan en janvier 2011 (voir les notes de ce blog concernant l’affaire Davis). Meurtier de deux Pakistanais lors d’une altercation dans un accident de la circulation à Lahore, il avait échappé à la vindicte populaire grâce à l’intervention d’Hilary Clinton et de John Kerry, qui se rendit en personne au Pakistan pour tenter d’arranger l’affaire. Les Etats-Unis avaient fait valoir l’immunité diplomatique alors que chacun ici savait que Davis était de la CIA et non pas « diplomate ». Le prix du sang avait été payé aux familles des victimes et l’agent avait été « exfiltré » discrètement.

Carte de Raymond Davis du Département de la Défense (DoD) américain. DR

Hilary Clinton confirme que $2.3 millions ont été payés comme argent du sang (diyya – argent versé en compensation d’un crime) mais refuse de dire par qui, précisant que ce n’est pas par le gouvernement américain.

Deux ans plus tard, Raymond Davis refait parler de lui. Une bagarre sur un parking de supermarché dans le Colorado. Sa victime est blessée. Bilan : deux ans de prison.

On en sait un peu plus sur Raymond Davis aujourd’hui. Selon l’Express Tribune, il travaillait à l’époque sous contrat de la CIA pour Xe, ex-Blackwater -aujourd’hui Academi. Les attaques de drones sur les zones tribales pakistanaises avaient d’ailleurs bizarrement cessé durant plusieurs semaines après l’arrestation de Davis.

Manifestations au Pakistan pour réclamer la peine de mort pour Raymond Davis. DR

3000 agents de la CIA graviteraient au Pakistan. Après cette affaire, le Pakistan a tenté de faire le ménage parmi les citoyens US se trouvant sur son territoire.

Une remarque en passant : Deux Pakistanais abattus, acquittement ; deux vertèbres fracturées pour un Américain, deux ans de prison. Deux poids deux mesures.

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PAKISTAN. Le Pakistan en état d’alerte après la libération de Raymond Davis

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Vendredi 18 mars 2011.

Le gouvernement américain vient de réussir un coup de force : récupérer son agent, Raymond Davis, inculpé pour double meurtre au Pakistan et à l’origine d’une affaire d’espionnage comme on en rencontre rarement.

Voir les détails de l’affaire Davis sur ce blog : Les Etats-Unis empêtrés jusqu’au cou dans l’affaire Raymond Davis et toutes les notes sur cette affaire : Affaire Davis.

Premières réactions : Protest outside Lahore Press Club.

En résumé : Le 27 janvier 2011, Raymond Davis, citoyen américain de 36 ans, abat de sang froid deux Pakistanais dans les rues de Lahore. La police pakistanaise retrouve dans son véhicule des armes, des GPS, des téléphones… Clairement,

Davis est un agent de la CIA. Et non des moindres puisque dès son arrestation, Hilary Clinton, John Kerry et même Obama s’en mêlent. John Kerry se rend au Pakistan pour tenter de négocier sa libération.

Menaces, promesse d’augmentation de l’aide financière au pays, tentatives pour soudoyer les familles des victimes, rien n’y fait. Et puis…

ourrulerspaiddiyat_20625.1300441187.jpgCoup de théâtre. Le 16 mars, à l’issue de son procès, Raymond Davis est libéré. Une parade « honorable » a été trouvée : l’argent du sang, ou ‘diyat’. Selon la loi de la Sharia, il s’agit d’une compensation financière pouvant être payée aux familles de victimes de meurtres en échange de leur pardon.

Le soir même, l’espion démasqué de la CIA, objet de la vindicte d’une partie de la rue pakistanaise qui réclamait sa pendaison, regagne les Etats-Unis.

Les familles des victimes ont donc changé d’avis… Selon de nombreuses sources pakistanaises, elles auraient reçu 2.34 millions de dollars, des Green Cards, des visas pour les Etats-Unis et des maisons dans les Etats de New-York et de Washington DC. Les familles auraient déjà quitté le territoire.

Une fois de plus les Etats-Unis viennent de prouver qu’ils peuvent agir en toute impunité au Pakistan et qu’ils sont les maîtres là-bas.

Suite et fin de la saga Raymond Davis ? Rien n’est moins sûr…

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Alors que le sentiment anti-américain semblait déjà avoir atteint son paroxysme, cette libération est la goute d’eau qui risque de faire déborder le vase. Humiliation et colère sont palpables. Les partis politiques et tous les partis religieux appellent à la grève et aux manifestations ce vendredi, après la prière de midi. Le barreau de Lahore a décidé de boycotter tous les procès de ce jour et se joint aux manifestations.

De graves troubles sont donc à prévoir dans le pays. Au point que le gouvernement qui s’attend à des violences, vient de déclarer un état de haute alerte dans tout le pays pour au moins une semaine selon le quotidien Dawn.

Par mesure de sécurité, l’ambassade et les consulats américains resteront fermés aujourd’hui vendredi.

PAKISTAN. Les Etats-Unis empêtrés jusqu’au cou dans l’affaire Raymond Davis

21 février 2011

Raymond Davis, un membre important de la CIA au Pakistan, est derrière les barreaux depuis trois semaines pour avoir tué deux Pakistanais à Lahore. Une affaire qui trouble les relations pakistano-américaines au point que John Kerry s’est rendu sur place la semaine dernière et que l’Amérique a menacé de suspendre son aide au pays.

Qui est Raymond Davis, l’homme qui fait les choux gras de la presse pakistanaise depuis trois semaines ? Tandis que l’Europe a les yeux tournés vers les pays arabes, cette affaire aux rebondissements dignes des meilleurs romans d’espionnage se déroule au Pakistan.

L’histoire commence comme un banal fait divers. Le 27 janvier à Lahore, Raymond Davis, un citoyen américain de 36 ans, circule en voiture lorsqu’il est agressé par deux hommes en motocyclette, visiblement armés. Il leur tire dessus et les tue puis appelle à l’aide une voiture qui le suivait. Celle-ci fonce pour lui porter secours et renverse un cycliste, Ibad-ur-Rehman, qu’elle tue sur le coup. Jusque là rien que de très… « banal ». Puis, Raymond Davis sort de son véhicule pour prendre en photo Faizan Haider et Faheem Shamshad, les hommes qu’il vient d’abattre. Il est arrêté alors que ses deux complices, dont on ignore toujours l’identité, prennent la fuite.

Copyright texte : Sylvie Lasserre / droits de reproduction interdits sans l’accord de l’auteur

raymonddavisap543.1298365725.jpgAu poste de police, Raymond Davis explique qu’il a eu affaire à des braqueurs et a dû tirer pour se défendre. Durant son interrogatoire, il affirme être employé du consulat américain de Lahore. Davis clame l’auto-défense et l’immunité diplomatique. L’ambassade à Islamabad réclame aussitôt sa libération.

Mais il s’avère que Davis n’a pas tiré pour se défendre. Davis a fait mouche et sciemment liquidé ses deux poursuivants. Neuf balles dont plusieurs dans le dos de ses assaillants qui tentaient de fuir. Davis s’avère être un excellent tireur. Dans son véhicule, outre des armes chargées, on retrouve un GPS, un appareil photo numérique, un télescope, un kit de survie, des torches… Très vite la police comprend qu’elle n’a pas affaire à un simple diplomate.

Rapidement l’on apprend qu’il a plusieurs cartes d’identité : sur l’une il est attaché au consulat de Lahore, sur une autre au consulat de Peshawar. L’homme a servi dix ans dans l’armée américaine, a été membre des forces de l’ONU en Macédoine, et dirige aujourd’hui une société de sécurité « Hyperion Protective Services » enregistrée à Las Vegas. Récemment, Davis aurait effectué de nombreuses visites au Waziristan, sans autorisation, et dans des madrasas de la région où il se présentait comme citoyen britannique récemment converti. La police pakistanaise a pu établir, grâce à ses communications téléphoniques, qu’il était entré en contact avec le Lashkar-e-Jhangvi, un groupe terroriste proche d’Al-Qaeda. Quant aux deux hommes en motocyclette, ils seraient en réalité des agents de l’ISI.

Au fur et à mesure que l’enquête progresse, l’affaire devient de plus en plus complexe. Et la presse pakistanaise s’interroge de plus en plus sur la véritable identité de Raymond Davis. Visiblement Davis est un gros poisson car les attaques de drones, qui avaient atteint leur paroxysme en 2010 et au début 2011, s’interrompent brutalement durant les trois semaines qui suivent son arrestation.

Très vite, le gouvernement Obama se manifeste et tente par tous les moyens de tirer Davis des mains de la justice pakistanaise. La pression exercée par les USA pour récupérer son « diplomate » est sidérante. Hilary Clinton, John Kerry, et même Obama, s’en mêlent. La secrétaire d’Etat menace de couper l’aide financière – dont ne peut se passer le pays -, et d’annuler sa prochaine visite au Pakistan si Davis ne leur est pas remis, affirmant une nouvelle fois qu’il a tiré en état de légitime défense et doit bénéficier de l’immunité diplomatique.

Le 14 février Hilary Clinton nomme un nouvel émissaire américain pour l’Afghanistan et le Pakistan en remplacement de Richard Holbrooke décédé en décembre. Appointé en urgence ? Sans doute car une lourde tache attend Marc Grossman : rétablir les relations stratégiques que l’administration Obama s’est efforcée depuis deux ans de construire et qui sont en passe d’être réduites à néant par l’affaire Davis.

Le 15 février, John Kerry se rend au Pakistan pour plaider la cause de Raymond Davis. Lors de sa rencontre avec le président Zardari, il rappelle l’aide de 7,5 milliards de dollars octroyée au Pakistan. Sans succès. Impossible pour Zardari d’aller contre son opinion publique. La rue, plus antiaméricaine que jamais depuis les attaques de drones, réclame la mort pour Davis. Début février, plusieurs centaines de personnes organisent un sit-in devant le consulat des Etats-Unis à Lahore pour réclamer que Davis ne soit pas remis aux autorités américaines.

Zardari est coincé. Déjà très embarrassé avec la loi anti-blasphème – il avait dû revenir sur le projet d’amendement devant la pression de la rue – il doit affronter aujourd’hui l’affaire Davis, ultrasensible. Au point, par exemple que Fauzia Wahab, secrétaire de l’information du PPP (Pakistan Peoples Party), le parti au pouvoir, dut démissionner le 19 février après avoir déclenché un tollé médiatique en déclarant que Davis devait bénéficier de l’immunité diplomatique.

Quant aux Pakistanais, coupés de leur pouvoir qu’ils disent corrompu – la rue est persuadée que les aides de l’ « ami » américain sont détournées par leurs dirigeants avant d’atteindre leurs objectifs – , ils ne croient pas non plus en l’allié américain. Les attaques de drones n’ont fait qu’exacerber ce sentiment antiaméricain, et antioccidental plus généralement, qui semble avoir atteint son paroxysme ces jours-ci. Dans la province de Khyber Pakhtunkwa en particulier, rares sont les Pakistanais convaincus que les Etats-Unis luttent vraiment contre le terrorisme.

Lire aussi sur ce blog : Rencontre avec des habitants des zones tribales.

Derniers rebondissements : Les deux hommes qui se trouvaient dans la voiture suivant celle de Davis et avaient pu se réfugier au consulat, seraient parvenus à regagner les Etats-Unis le 19 février. Comment ? La question reste ouverte. D’aucuns affirment qu’ils auraient bénéficié de la visite de John Kerry, qui s’est effectivement rendu à Lahore.

Mieux, selon « The Nation », un quotidien pakistanais, Raymond Davis serait le numéro deux de la CIA au Pakistan et agissait même comme numéro un depuis le départ de Jonathan Banks, l’ex patron, expulsé en décembre 2010 après avoir été démasqué. Le quotidien britannique The Guardian est plus prudent et indique que Davis travaillait simplement pour la CIA.

Raymond Davis sera jugé le 14 mars. Son cas vient d’être renvoyé à la Cour Internationale de Justice (ICJ) selon The News Tribe, afin de ménager la chèvre et le chou. Sécurité maximale autour de la prison de Kot Lakhpat de Lahore où il se trouve. 75 policiers et des unités d’élite montent la garde. Dimanche à Karachi des manifestants réclamaient la corde pour le « diable » Davis.

Copyright photo : AP

PAKISTAN. Rencontre avec des habitants des zones tribales (Fata)

J’ai rencontré à Peshawar des habitants des zones tribales au cours des premiers jours de janvier, soient trois semaines avant le début de l’affaire Davis.

Rifat, 22 ans, me confie : « Les Blackwater violent les règles et la paix du Pakistan. C’est eux qui posent des bombes dans les écoles et les mosquées ! » Arshad, 21 ans : « Dans l’armée pakistanaise, des milliers d’officiers et de soldats ont perdu leur vie, des milliers d’innocents sont morts dans des dommages collatéraux. Malgré cela on insinue que l’armée ne fait rien. En réalité, les Américains, c’est que croit la majorité des Pakistanais, moi aussi, sont impliqués et soutiennent ces activités cachées de destruction tout en disant qu’ils sont nos amis. Pourquoi cette perception s’est-elle développée au Pakistan ? Si un Pakistanais se rend aux Etats-Unis, il est entièrement contrôlé, jusqu’aux chaussures !

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Copyright photo Sylvie Lasserre

Vous, en tant que Française, vous devez aussi respecter nos lois si vous êtes au Pakistan. Alors pourquoi pas les Américains ? En de nombreuses occasions, la police, les agences, ont arrêté leurs véhicules pour les inspecter, mais ceux-ci ont refusé. Les Américains des agences et leurs associés se baladent dans le pays et font ce qu’ils veulent. Ils ne respectent pas nos lois. D’où cette impression que la CIA et les agences jouent avec la souveraineté du Pakistan et qu’en réalité ils ne sont pas nos amis bien qu’ils le clament. Et avec le temps ce ressentiment s’amplifie. » Rifat insiste : « Cela prouve ce que pensent les gens de FATA : les Américains font la guerre alors qu’ils disent qu’ils viennent pour la paix. »

Arshad renchérit : « Les Américains, personne ne les voit jamais, ils se cachent, ils sortent la nuit, dans des voitures aux vitres teintées ! Une fois, à Islamabad, treize Blackwater ont été arrêtés. La police leur a demandé ‘pourquoi sortez-vous la nuit ?’ Ils ont dit qu’ils portaient secours à l’un d’eux. La police a répondu qu’ils n’avaient pas le droit et c’est tout. Mais pourquoi portent-ils des armes ? Ils n’ont pas le droit ! Supposez qu’un Pakistanais se promène avec une arme à Washington ! Qu’est-ce qu’ils diraient ? Ici ils violent ouvertement les règles ! »

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PAKISTAN. Le citoyen américain qui a tué 2 Pakistanais est un « espion »

L’hypothèse (voir post précédent) semble se confirmer : U.S. citizen who killed 2 Pakistanis is spy.

Selon Xinhua, l’agence de presse nationale chinoise, Raymond Davis était soit un « espion », soit un membre de Blackwater :

 » Pakistani media reported Friday that a U.S. official, who shot dead two Pakistani citizens in the city of Lahore on Thursday, is a spy or working for the Blackwater.

The American employee at the U.S. consulate in Lahore, Raymond Davis, previously reported as Steve David, shot dead two Pakistani motorcyclists, city police chief Aslam Tarin said.

A pedestrian was also killed by a speeding car from the U.S. consulate which was called to help, police said.

Davis had introduced himself as Technical Advisor to the police but major Pakistani dailies reported on Friday that he was a soldier, spy and possibly a member of the Blackwater private security company.

Davis, who is now charged in murder case, told the police investigators that he fired in self-defence as the two motorcyclists had wanted to rob him.

The largely circulated Urdu language Daily Jang reported that the police suspected Davis as an American spy. It reported that he is not a diplomat and can not claim diplomatic immunity.

« The U.S. killer is a spy, » The News International also quoted the police as saying.

Daily The Nation reported on its front page a Blackwater role suspected in the shooting of the two Pakistanis.

Express quoted law minister of Punjab Province, Rana Sanaullah, as saying, « It seems that the American national was on a secret mission as what he was doing in the busiest Mazang area of Lahore city. »

Police sources said that the American killer will be produced in a court on Friday. Security measures have been taken outside a Lahore court.

Interior Minister Rehman Malik told the National Assembly that the American killer will face legal action, adding that no foreigner is entitled to carry weapons.

The U.S. State Department has said the United States will extend all help to the Pakistani authorities in investigation into the matter.

On Thursday, a group of people gathered in Lahore and blocked the road shortly after the incident by setting tyres on fire to protest against the killing.  »

PAKISTAN. Un diplomate américain en poste à Lahore tue 3 Pakistanais.

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27 janvier 2011. Lahore. Raymond Davis, un des trois diplomates américains en poste au consulat de Lahore, a tiré sur deux Pakistanais puis en a écrasé un troisième, alors qu’il circulait dans son véhicule. Il aurait été attaqué par les deux motocyclistes sur lesquels il a tiré.

Une question de taille se pose : que faisait un diplomate américain avec une arme dans son véhicule, alors que c’est interdit aux diplomates ?

Cela va amplifier la rancoeur des Pakistanais contre les Américains. La majorité des Pakistanais, au contraire de leurs « dirigeants », supporte mal la présence des « Lords » sur leur territoire, rancoeur accentuée par les attaques de drones sur les zones tribales :  » Ces Américains se croient tout permis. Ils travaillent tous pour la CIA, eux seuls peuvent circuler dans des voitures à vitres teintées ici ! Pourquoi ?  » (propos recueillis à Peshawar)

Le poste de Raymond Davis au consulat ? « Conseiller technique ». « Black ops contractor » selon Veterans Today.

Gageons que l’affaire va dégénérer ou être « étouffée » très vite… Quoi qu’il en soit, elle montre à quel point certains se croient tout permis ici, au Pakistan…

More information : WEAPONS, SURVEILLANCE GEAR FOUND IN “HIT AND RUN” CAR BY POLICE

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Copyright photos : Sylvie Lasserre