Les cent ans de Jean Malaurie au Quai Branly

Je suis si heureuse d’être invitée à participer, en tant qu’auteure de la collection Terre Humaine, à la célébration des cent ans de Jean Malaurie qui se tiendra au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022 : Jean Malaurie, l’apprenti chaman.

Il est en effet la personnalité que j’admire le plus – avec celle de Claude Lévi-Strauss – car c’est un être complet, un sage, un humaniste, un scientifique, un intellectuel entièrement libre, un anthropologue et aussi une personnalité hors du commun, fascinante, intelligente et pleine d’humour. Enfin, il fut un résistant pendant la seconde guerre mondiale.

Pour apprendre à mieux connaître ce personnage exceptionnel, il faut lire ses livres bien-sûr, mais aussi l’écouter, comme ici par exemple :

Jean Malaurie, professeur honoris causa, HEC Paris

France Inter 2018

Le temps d’un bivouac 2018

Rendez-vous donc au Musée du Quai Branly le 25 janvier 2022.

Faire venir la pluie, par les prières aussi

Samedi 30 mars 2019

Faire venir la pluie n’appartient pas qu’aux peuples premiers. Ainsi nous avons vu que faire venir la pluie avec des pierres à pluie est propre au peuple turc (voir post précédent : Pierres à pluie de Yarkand) ; en Australie, les aborigènes appellent cet élément naturel au moyen de prières et de dessins imprimés sur le sable (on peut voir une telle scène dans le documentaire « Le jour où l’homme blanc est venu »). Ailleurs, les chrétiens la convoquent à l’aide de prières, comme par exemple aux Philippines en mars 2019, lorsque l’archevêque de Manille appela les fidèles à prier alors que Manille et ses environs sont privés d’eau lors d’une sécheresse inédite :

Ou encore en France dans les Hautes-Alpes : en décembre 2017, alors qu’il n’avait pas plu depuis six mois, l’évêque de Gap et d’Embrun décida de réagir et d’inviter les chrétiens de son département à trois jours de prières :

Lire aussi : Une prière pour la pluie pour conjurer la sécheresse

 

Les herbes, une valeur sûre des peuples turcs

Mercredi 6 mars 2019

Quand le printemps s’annonce, partout sur le bord des routes en Asie centrale vous verrez des paysans vendre toutes sortes d’herbes vertes. Vous savez, celles que l’on taxe de mauvaises herbes chez nous et que l’on arrache aveuglément ou à coups de pesticides. Les Turks, eux, connaissent bien les vertus de ces herbes sauvages dont ils se régalent après l’hiver.

En Turquie, les étals d’herbes (ot) dans les marchés regorgent de ces plantes qu’ailleurs l’on ne regarderait même pas. Les femmes n’ont pas leur pareille pour reconnaître telle ou telle herbe et en donner le nom sans hésiter ainsi que la façon de la cuisiner.

Mais saviez-vous que parmi les différents noms turco-mongols du remède, l’un d’eux, le plus employé, est précisément « ot » ? D’après Jean-Paul Roux, éminent turcologue français, « ce mot […] signifie d’abord une herbe, puis une herbe et l’herbe médicinale, enfin d’une part herbe, d’autre part remède » (Jean-Paul Roux, Faune et flore sacrés dans les sociétés altaïques, p. 165).

Ainsi s’explique la ruée printanière sur les herbes des peuples turcs.

Roy Sesana, prix Nobel alternatif 2005

roy_sesana.1178634234.jpgJ’ai découvert par hasard l’existence de Roy Sesana. Voici le discours qu’il a prononcé pour la remise de son prix Nobel alternatif. Bouleversant.

« Mon nom est Roy Sesana, je suis un Bushman gana du Kalahari, du pays qui est aujourd’hui connu comme le Botswana. Dans ma langue, mon nom est ‘Tobbe’ et notre territoire ‘T//amm’. Nous vivons là depuis bien plus longtemps que quiconque.

Lorsque j’étais jeune, je suis allé travailler dans une mine. J’ai enlevé mes habits de peaux pour porter des vêtements occidentaux. Mais je suis retourné chez moi quelque temps après. Cela me rend-il moins bushman ? Je ne le pense pas.

Je suis un leader. Quand j’étais enfant, nous n’avions pas besoin de leaders et nous vivions bien. Mais aujourd’hui nous en avons besoin car nous avons été dépossédés de notre territoire et nous devons lutter pour survivre. Cela ne veut pas dire que je dis aux autres ce qu’ils doivent faire, c’est le contraire, c’est eux qui me disent ce que je dois faire pour les aider.

Je ne sais pas lire. Vous m’avez demandé d’écrire ce discours alors mes amis m’ont aidé, mais je ne peux le lire, je suis désolé ! Cependant, je sais lire la terre et les animaux. Tous nos enfants le peuvent. S’ils ne le pouvaient pas, ils seraient tous morts depuis bien longtemps.

Je connais beaucoup de gens qui savent lire et d’autres, comme moi, qui ne savent lire que la terre. Tous sont importants. Nous ne sommes pas arriérés ou moins intelligent, nous vivons exactement à la même époque que vous. J’allais dire que nous vivons tous sous les mêmes étoiles mais c’est faux, dans le Kalhari elles sont différentes et plus nombreuses. Mais le soleil et la lune sont les mêmes que les vôtres.

J’ai grandi en tant que chasseur. Tous nos garçons et hommes étaient des chasseurs. Chasser, c’est partir et parler aux animaux. Ce n’est pas du vol. C’est partir et demander. C’est poser un piège ou prendre un arc et des flèches. Cela peut prendre plusieurs jours. Vous traquez l’antilope. Elle sait que vous êtes là, elle sait qu’elle doit vous donner sa force. Mais elle court et il vous faut courir. En courant, vous devenez comme elle. Cela peut durer des heures et vous exténuer autant que l’animal. Vous lui parlez et le regardez dans les yeux. Et il sait alors qu’il doit vous donner sa force pour que vos enfants puissent vivre.

La première fois que j’ai chassé, je n’ai pas été autorisé à manger la viande. Certaines parties du springbok ont été rôties avec des racines puis étalées sur mon corps. C’est comme cela que j’ai appris. Ce n’est pas votre manière d’apprendre mais cela fonctionne bien.

Le fermier prétend être plus avancé que le chasseur arriéré mais je ne le crois pas. Ses troupeaux ne donnent pas plus de nourriture que les nôtres. Les antilopes ne sont pas nos esclaves, nous ne leur mettons pas de clochettes autour du cou et elles peuvent courir bien plus vite qu’une vache paresseuse ou qu’un berger. Nous courrons ensemble à travers la vie.

Lorsque je porte des cornes d’antilope, cela me permet de communiquer avec mes ancêtres et ils m’aident. Les ancêtres sont si importants, nous serions morts sans eux. Chacun sait cela dans son cœur mais certains l’ont oublié. Serions nous encore là sans nos ancêtres ? Je ne le pense pas.

J’ai été initié pour devenir guérisseur. Il vous faut pour cela savoir lire les plantes et le sable. Il vous faut trouver les bonnes racines et être à la hauteur. Vous conservez certaines racines pour le lendemain, pour que vos petits-enfants puissent les trouver et les manger. Vous apprenez ce que la terre vous enseigne.

Quand les aînés meurent, nous les enterrons et ils deviennent nos ancêtres. Si des maladies se propagent, nous dansons et nous leur parlons ; ils s’expriment à travers mon sang. En touchant la personne malade, je peux trouver la maladie et la soigner.

Nous sommes les ancêtres de nos arrières petits-enfants. Nous prenons soin d’eux, tout comme nos ancêtres prennent soin de nous. Nous ne sommes pas ici pour nous-mêmes, nous sommes ici pour chacun d’entre nous et pour les enfants de nos petits-enfants.

Pourquoi suis-je ici ? Parce que mon peuple aime sa terre, sans elle nous mourrons. Il y a bien des années, le président du Botswana nous a dit que nous pourrions vivre sur notre territoire ancestral pour toujours. Nous n’avons jamais eu besoin que quelqu’un nous dise cela. Bien entendu nous pouvons vivre là où Dieu nous a créés ! Mais le président suivant nous a dit de partir et nous a forcés à le faire.

Ils nous ont dit que nous devions partir à cause des diamants. Puis ils nous ont dit que nous chassions trop de gibier. Mais ce n’est pas vrai. Ils disent beaucoup de choses qui ne sont pas vraies. Ils nous ont dit que nous devions partir pour que le gouvernement puisse nous développer. Le président affirme que si nous ne changeons pas, nous disparaîtrons comme les dodos. Je ne savais ce qu’était un dodo. Mais j’ai trouvé : c’est un oiseau qui a été exterminé par les colons. Le président a raison, ils nous tuent en nous forçant à quitter notre territoire. On nous a torturés et tirés dessus. Ils m’ont arrêté et brutalisé.

Merci pour le Right Livelihood Award. C’est la pleine reconnaissance de notre lutte et il permettra de faire entendre notre voix dans le monde entier. J’ai appris que le prix nous avait été décerné le jour même de ma sortie de prison. Ils disent que celui qui se tient devant vous aujourd’hui est un criminel.

Je me demande de quel développement il s’agit lorsque les gens vivent moins longtemps qu’avant ? [Dans les camps de relocalisation] le sida fait des ravages parmi nous. Nos enfants sont maltraités dans les écoles et ne veulent plus y aller. Certains d’entre nous se prostituent. Nous n’avons pas l’autorisation de chasser. Les gens se battent entre eux par ennui et parce qu’ils boivent. On commence à constater des suicides. Nous n’avions jamais vu cela auparavant. Cela fait mal de dire ça. Est-ce cela le développement ?

Nous ne sommes pas primitifs. Nous vivons différemment de vous mais nous ne vivons pas exactement comme nos grands-parents, tout comme vous. Vos ancêtres étaient-ils primitifs ? Je ne le crois pas. Nous respectons nos ancêtres. Nous aimons nos enfants. C’est la même chose pour tout le monde.

Il faut maintenant que le gouvernement cesse de nous voler notre terre : sans elle nous disparaîtrons.

Si celui qui a lu beaucoup de livres pense que je suis un primitif parce que je n’en ai lu aucun, alors il devrait jeter tous ses livres et chercher celui qui dirait que nous sommes tous frères et sœurs devant Dieu et que nous aussi avons le droit de vivre.

C’est tout. Merci.

Roy Sesana
First People of the Kalahari, Botswana  »

Source : http://www.survivalfrance.org

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Réchauffement global : et si c’était pire ?

Les rapports 2007 du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) seront rendus publics cette semaine. Mêmes si les résultats sont soigneusement tenus secrets jusqu’au 2 février, il n’y a aucune bonne nouvelle à en attendre et ce n’est pas un scoop. Attend-on qu’il soit trop tard pour réagir ?

Lire mon enquête parue dans le Monde 2 cet été,  » Et si c’était pire ?  » :

Couverture

Part 1

Part 2

Part 3